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colons qui se sont établis dans le Manitoba et les nouvelles provinces pendant la dernière campagne, je pense que c’est la récompense de tous ceux qui ont contribué à organiser notre politique actuelle d’immigration pour laquelle tous les Canadiens devraient éprouver de la reconnaissance. Dans un pays jeune comme le Canada, avec sa petite population, son territoire étendu et ses ressources naturelles illimitées, il est d’une suprême importance, au point de vue national, que l’assimilation des élémens étrangers qui sont introduits, se développe graduellement, mais, dans les conditions présentes, quand près de cent mille Anglais, parlant la même langue, et ayant les mêmes aspirations que nous-mêmes, sont ajoutés à notre population dans le court espace de douze mois, il n’y a guère lieu de craindre que le caractère national puisse jamais être altéré. Tout danger à cet égard, si jamais il y a eu danger, a maintenant disparu, et il est à espérer que les méthodes suivies dans le passé, sous ce rapport, ne manqueront pas de donner les mêmes résultats bienfaisans dans l’avenir[1]. »

Il n’est pas possible de méconnaître plus… naïvement les droits, « la langue, les aspirations » d’un tiers des citoyens du Canada.

De 1896 à 1902, le chiffre des émigrans était monté normalement et comme naturellement de 21 000 à 67 000. En 1903, il bondit à 128 000, le nombre des arrivées des Etats-Unis et celui des Iles Britanniques ayant doublé. Que s’est-il donc passé ? C’est que l’année précédente, le sous-ministre de l’Intérieur, M. James Allan Smart, a organisé lui-même l’émigration en pays anglais. Tout, en effet, s’organise, même l’émigration. Convaincu qu’il fallait infuser du sang anglais au Canada, M. Smart, à peine débarqué à Liverpool, s’aperçut avec étonnement que, dans leur propagande canadienne, ses agens avaient complètement négligé la population rurale. Aussitôt il monte de toutes pièces un système de conférences sur le Canada, d’articles sérieux bien rédigés (non pas seulement de vulgaires réclames) dans les plus grands journaux ; il offre le voyage d’Angleterre à 55 colons anglais qui ont le mieux réussi dans l’Ouest canadien, et il les fait disséminer habilement dans les campagnes anglaises.

  1. Annual Report of the Department of the Interior for the year 1904-1905 ; p. XXVIII.