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mois d’avril dernier, le ministère fédéral de l’Intérieur a édité un magnifique atlas du Canada, accompagné de très nombreux diagrammes de statistiques, où ne se lit pas un mot de français[1]. A la même époque, le ministre fédéral de la Justice a même publié un Code refondu des lois canadiennes, et il a osé le faire uniquement en anglais ; si bien que les juges « français » de Québec et de Montréal rendent à présent la justice à leurs compatriotes de langue française sur un texte anglais. Il n’a pas fallu moins qu’une interpellation de M. Henri Bourassa et de son ami M. Armand Lavergne à la Chambre des communes pour arracher au gouvernement la promesse d’une version française, qui est en chantier et qu’au bout de onze mois, l’on en est encore à attendre. Infatigable pour notre langue, M. Armand Lavergne vient de déposer en février, au Parlement fédéral, un projet de loi qui obligerait positivement les Compagnies de chemins de fer, de télégraphe et de téléphone à employer le français comme l’anglais dans leurs rapports avec le public[2].

Quant à la politique d’immigration, pour y expliquer le laisser aller gouvernemental vers l’Angleterre, il faut encore invoquer avec assurance la force des intérêts financiers. Ils sont mêles en tous pays aux idées politiques, mais nulle part autant que dans toute l’Amérique du Nord, ils n’exercent de pression sur elles[3]. L’influence « américaine, » l’une des trois influences qui se disputent le Canada, a largement envahi sa politique, qui, dans un très grand nombre de branches, est avant tout une politique d’affaires, entre autres dans le grand service d’immigration. Affaires, par la prime de 10 à 25 francs touchée par les agens extérieurs sur chaque tête d’émigrant, si bien qu’ils n’ont qu’à s’occuper de la quantité, sans souci de la qualité, et que leur intérêt les pousse à ramasser dans n’importe quel ruisseau de grande ville des hommes bons à être jetés dans les entreponts « le steamers. Cette prime individuelle, le programme « nationaliste » en réclame l’absolue suppression[4]. Affaires encore et

  1. Atlas of Canada, by James White, déjà cité.
  2. Il faut reconnaître que M. H. Lemieux, au fort de la campagne « nationaliste, » pendant l’automne dernier, avait fait mettre des inscriptions françaises sur les bureaux de poste de la province de Québec.
  3. Cf. l’article Politique et Finance, dans la Vérité du 4 janvier 1908.
  4. M. Bourassa voudrait même qu’il y eût dans tous les grands ports européens d’embarquement d’émigrans des agens très sévères pour retenir tous les élémens « non désirables. »