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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/401

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affaires tout américaines, par cette savante organisation de la réclame pour le Canada et du chauffage ingénieux des imaginations, — montée un peu comme la merveilleuse publicité jadis déployée en Europe pour le « Grand cirque Itanium et Bayley. » Affaires surtout par l’influence prépondérante des grandes Compagnies de chemins de fer et de paquebots dans les opérations de l’immigration. Les 50 000 colons d’Angleterre, qui passent maintenant chaque année l’Atlantique, sont sans doute en partie recrutés par les neuf agences officielles en Angleterre, mais aussi, pour une bonne part, par les colossales Compagnies qui traversent d’un bord à l’autre les 5 000 kilomètres du Canada, ayant, de place en place, fondé, à coups de millions, des hôtels au bord de leurs interminables rubans d’acier et entretenant même une ou plusieurs flottes sur chacun des Océans : telle la compagnie du Pacifique Canadien, qui dispose, à elle seule, de six agences installées dans la Grande-Bretagne.

Les Compagnies maritimes, après s’être déchargées dans le vieux monde des nombreux produits d’exportation du Canada (bois, pulpe, produits alimentaires), ont besoin de se lester au retour, et elles ne trouvent rien de plus avantageux, au dire des compétens, que ce fret humain, qui paie et qu’elles nourrissent au plus juste, de sorte que, malgré des prix très bas, elles réalisent encore sur lui de beaux bénéfices, d’autant plus qu’elles jouissent, en outre, du privilège de primes officielles[1].

De leur côté, les Compagnies de chemins de fer ont tout avantage à embaucher des émigrans ; nous dirons plus, c’est une question pour elles presque de vie ou de mort. Non seulement elles arrivent à toucher, d’une façon ou de l’autre, tout ou partie de la prime individuelle attachée aux émigrans, mais elles sont vraiment au Canada à la tête de la colonisation. En fait, elles en détiennent le monopole, et la chose a été reconnue en plein Parlement fédéral lors de la dernière discussion de chemins de fer en 1900. La colonisation ne peut guère se faire dans ces immensités perdues qu’autour de leurs stations. Les colons ont besoin d’elles et elles ont encore plus besoin des colons : aussi transporte-t-on le plus de foules possible et le plus loin possible, le plus à l’Ouest qu’il se peut. Tous ces émigrans d’aujourd’hui sont les voyageurs de demain, et, ce qui n’est pas moins précieux,

  1. Réponse de M. Oliver à M. Armand Lavergne (Vérité, 25 janvier 1908).