Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le quai de Montréal ou de Québec. Et que dire de l’influence française toute pacifique, qui se produirait d’elle-même par ces vaisseaux français de huitaine ou de quinzaine mouillant dans les eaux canadiennes, qui en voient aujourd’hui si rarement ?

Que dire aussi de l’action française qui se créerait naturellement avec nos colons devenus plus nombreux dans les provinces canadiennes-françaises ? Au lieu de s’aller disperser à travers le monde, leur vive personnalité française s’amalgamant à celle des Canadiens-Français augmentera ce groupe, qui pensera de même, qui verra de même, à la manière française, c’est-à-dire, au fond, « latine, » — qui aidera à rétablir l’équilibre en faveur des droits et des intérêts français au Canada, du maintien de la langue française, de l’accès des produits et des idées saines de la France. En somme, les bonnes volontés combinées des deux rives de l’Atlantique peuvent aisément mettre en route, chaque année, 10 000 émigrans de langue française, énergiques et honnêtes, de France, de Suisse et de Belgique, pour la province de Québec.

Ainsi, par une harmonie providentielle, la France et le Canada, la mère et la fille, se feront réciproquement du bien encore une fois, l’une maintenant son originalité grâce au renfort apporté à l’un de ses deux élémens qui menaçait d’être étouffé, — l’autre envoyant ses rares fils qui consentent à la quitter, dans le seul pays du monde où ils se puissent unir aux indigènes, pour fortifier son influence générale. Et la grande puissance, dont le drapeau flotte à présent sur la haute citadelle de Québec, n’aura point à s’inquiéter ; elle pourra même y trouver son compte dans l’avenir. Alors, le drapeau tricolore, suivant la vieille coutume canadienne, flottera sur des maisons plus nombreuses du Bas-Canada, demeuré sous la domination anglaise, mais bien redevenu, une seconde fois, par la langue, les mœurs, l’influence et les idées, une Nouvelle-France.


LOUIS ARNOULD.