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POÉSIES

GÉORGIQUES


SIMPLE VŒU


Puissent un jour tous ces poèmes de la terre
Griser les hommes d’une ivresse salutaire,
Et parfois, les berçant de rêves musicaux,
Au fond de leur mémoire éveiller mille échos !
Puissent le rire frais des sources, les murmures
De l’arbre, la rumeur des blés aux houles mûres,
L’humble plainte des socs, l’appel clair des troupeaux
Se fondre allègrement dans mes vers plus dispos,
Pour qu’un peu d’harmonie, aux esclaves des villes,
Soupire le regret des campagnes tranquilles ;
Pour qu’attendris surtout, les forçats des cités
Sentent, par quelque large et fier souffle emportés,
Que leur âme au passé légendaire s’enchaîne,
Comme au gland primitif se rattache le chêne !
Ah ! combien glorieux je mourrai si j’ai su
Dans un seul cœur, par la vie amère déçu,
Laisser des visions doucement nostalgiques,
Et si n’ont pas été vaines ces Géorgiques !
Ah ! si mon verbe ému fut assez éloquent,
Dans sa naïveté pastorale évoquant
Ce qui fermente et germe en d’immuables rites,
Pour rendre aux vieux logis leurs familles proscrites
Et ramener aux champs natals leurs exilés,
Comme alors mes plus chers désirs seront comblés !