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ne peut nier qu’un grand progrès est réalisé et que, sous l’empire de nécessités économiques nouvelles, les Touaregs évoluent[1].

« Notre Sahara algérien est aujourd’hui parcouru incessamment, croisé et recroisé en tous sens et annuellement par des détachemens de méharistes ; où qu’on veuille aller, avec un peu de patience, de chance et, sans doute aussi, de protection, on trouve toujours une patrouille à suivre. Tout cet immense territoire est devenu, pour ces nomades enrégimentés, terrain de pâturage et zone de surveillance. On s’explique dès lors qu’il y règne une sécurité inaccoutumée. »

Si on veut bien considérer que ces résultats, signalés par M. Gautier[2], ont été obtenus à. peu de frais et sans perte appréciable de chameaux, tandis que, lors de la conquête du Touat, la colonne de la Zousfana, par exemple, fit une consommation de 30 000 chameaux, et que, pour la conquête des Oasis, les frais occasionnés par ces achats dépassèrent 10 000 000 francs, on n’en apprécie que davantage l’instrument de police et de pacification qui met le Trésor à l’abri de pareilles surprises.

La sécurité qui permit à M. Villatte, ancien membre de la mission Foureau-Lamy et calculateur à l’observatoire d’Alger, à MM. les professeurs Gautier et Chudeau, à M. l’inspecteur des postes et télégraphes Étiennot, au regretté directeur de la medersa de Constantine, M. de Motylinski, à M. Félix Dubois et à d’autres, de circuler presque seuls à travers le Sahara, devait fatalement amener des transformations heureuses dans la vie des Oasis sahariennes.

Ces pauvres populations sédentaires ne vivent plus dans la crainte perpétuelle d’être pressurées par les Touaregs ou razziées par les Berabers. Leur nombre, qui ne dépasse pas, paraît-il, 60 000 habitans, tendrait à s’accroître. Il ne faudrait pas, cependant, se faire illusion sur l’avenir de ces contrées, dont les ressources, tant vantées jadis, se réduisent à presque rien. Nous faisons de notre mieux pour améliorer leurs cultures en forant des puits et en rétablissant leurs foggaras, ces canaux indigènes qui conduisent et distribuent l’eau des oueds ; mais la nappe

  1. L’Évolution du nomadisme en Algérie, par MM. Aug. Bernard et Lacroix, Alger et Paris, 1906.
  2. Assemblée générale de la Société de Géographie du 15 décembre 1905. La Géographie, XIII, I, p. 9.