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duchesse d’Oldenbourg, dont l’accoutrement et les reparties faisaient alors le bonheur de l’aristocratie anglaise, il combinait des itinéraires, s’informait des phases successives de la campagne récemment terminée, et se préparait à parcourir, en sens inverse, de Paris jusqu’au Rhin, tous les endroits où Napoléon avait perdu ses dernières forces et ses derniers espoirs. Enfin, le 26 juin 1814, du Havre, il annonçait joyeusement à sa femme qu’il avait franchi le « Rubicon » et abordé en France, où « toutes choses lui paraissaient nouvelles, intéressantes, et infiniment délicieuses. » D’avance, il se léchait les lèvres à l’idée du savoureux régal qu’il allait s’offrir.

Au Havre, comme ensuite à Paris et dans toute la France, l’une de ses impressions les plus agréables était de découvrir les égards que lui conférait, à présent, sa qualité d’Anglais. Vingt fois, dans ses lettres suivantes, il mande à sa femme que cette qualité lui vaut d’être admis partout, placé au premier rang, et traité avec une déférence qui, d’ailleurs, lui est un motif de plus pour mépriser la bassesse du caractère français. Et ainsi, sous la protection respectueuse des autorités, et parmi l’empressement d’une population qui, peut-être, le craint véritablement, comme il se plaît à le penser, ou qui peut-être n’apprécie, en lui, qu’une possibilité permanente de pièces de deux sous et de pièces de vingt francs, ainsi, du Havre à Châlons, il procède à l’accomplissement de son pèlerinage.


A Paris, il se hâte de visiter Belleville et Montmartre, où se sont jouées les scènes finales de la tragédie. « Des groupes étaient là (à la Barrière Montmartre), examinant les lieux et s’entretenant de la bataille ou de Buonaparte. Jusqu’à ce jour, je n’avais encore jamais entendu personne avouer honnêtement et ouvertement son opinion sur lui ; mais, ici, j’ai trouvé plusieurs occasions de me ; glisser dans des groupes où son nom était accablé de toutes les invectives qu’eussent pu inventer la haine et l’exubérance françaises. : Gueux, bête, voleur, etc., étaient la monnaie courante dont ses anciens sujets le payaient de son despotisme. » Des renseignemens qu’il recueille, Stanley conclut que les hauteurs entourant Paris « n’ont été défendues que d’une façon très insuffisante, et très peu guerrière. » Un témoin lui raconte que, durant le combat, Regnaud de Saint-Jean-d’Angély est apparu, un moment, à la Porte de Clichy, « a demandé, très haut, un verre d’eau-de-vie, puis s’est un peu avancé ; mais, aussitôt après, son cheval ayant pris peur, le cavalier se trouva entièrement du même avis que sa bête, et tous deux s’enfuirent loin du danger, pour