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« littérature » qu’avait fait surgir l’article Après une visite au Vatican lui en était une preuve sensible, — c’est qu’en effet il se rendait bien compte que son « cas » n’était pas isolé, et que même il était beaucoup plus « représentatif » qu’il ne l’avait pensé tout d’abord. « Dans cette série d’études, — écrivait-il quelque part, — où nous voudrions, en même temps que notre examen de conscience, faire celui de quelques-uns de nos contemporains… » Cette visible préoccupation apologétique explique, ce me semble, non seulement la qualité et le choix de ses argumens, mais encore la lenteur calculée de sa progressive évolution religieuse. Très désireux de ne pas compromettre dans des aventures de pensée personnelle la doctrine à laquelle il allait bientôt apporter son adhésion, il tenait à vérifier loyalement et méthodiquement tous les titres qu’elle offrait à sa créance ; il voulait éprouver en quelque sorte lui-même tous les degrés de l’échelle, pour que d’autres pussent les gravir après lui.


II

Tant de soins et de travaux divers, — et je néglige à dessein dans cette étude son rôle et son activité de directeur de Revue, — raréfiaient un peu sa production critique, sans pourtant la suspendre entièrement. Aussi bien, il avait trouvé, pour le suppléer dans cette fonction, ici même, un écrivain de plume ingénieuse et brillante, au goût alerte, incisif et sûr, qui continuait librement son œuvre, et en prolongeait l’action. Il se réservait d’intervenir de loin en loin dans telle ou telle question qui lui tenait plus particulièrement à cœur ; et ce lui était chaque fois une occasion nouvelle de prouver que, bien loin d’avoir laissé, parmi de tout autres recherches, s’émousser les facultés qu’on était unanime à lui reconnaître, il les retrouvait plus vigoureuses et plus riches que jamais. Les « études critiques » de cette époque ont une plénitude de sens, une solidité de structure, une largeur de vues qui faisaient parfois regretter aux « littérateurs » de profession qu’il ne les multipliât pas comme jadis. Je ne sais rien, par exemple, dans toute son œuvre, — et dans l’œuvre d’aucun critique, — rien de plus fort, de plus puissamment maîtrisé, de plus profondément pensé, ou senti, ou deviné, de plus sobrement exprimé, que son article de 1899 sur la Littérature européenne au XIXe siècle. Ce sont