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peut-être, de tout ce qu’a écrit Ferdinand Brunetière, les pages qui, comme critique et historien littéraire, l’expriment le plus complètement. A ses conceptions d’autrefois viennent ici s’ajouter ses préoccupations nouvelles, pour le plus grand bénéfice du sujet qu’il traite. A la fin de cette étude, il observe, en s’en réjouissant, que la littérature contemporaine s’ouvre de plus en plus aux questions morales et aux questions sociales ; et il ajoute : « Parvenue à ce point de son développement, la littérature s’apercevra-t-elle alors que si les questions sociales sont des questions morales, elles sont aussi des questions religieuses ? On peut l’espérer… Aussi bien… la fin du siècle, sous ce rapport, n’aura-t-elle fait que répondre à ses commencemens. On l’a pu croire agité d’autres soins, et, en effet, il l’a été. Mais si la question religieuse n’a pas toujours été la première ou la plus évidente de ses préoccupations, elle en a été certainement la plus constante, et disons, si on le veut, par instans la plus sourde, mais en revanche la plus angoissante. C’est en France particulièrement qu’on le peut bien voir… » Et il le montrait brièvement, mais fortement. « Est-il rien, concluait-il, de plus saisissant et de plus instructif ? En vain a-t-on voulu écarter la question, elle est revenue ; nous n’avons pas pu, nous non plus, l’éviter ; et ceux qui viendront après nous ne l’éviteront pas plus que nous. Et, dès à présent, ne nous faut-il pas les en féliciter, s’il n’y en a pas, pour tout homme qui pense, de plus importante, ni de plus « personnelle ; » s’il n’y en a pas dont la méditation soit une meilleure école, même au point de vue purement humain, pour l’intelligence ; et s’il n’y en a pas enfin… dont la préoccupation, évidente ou cachée, donne à la « littérature » plus de sens, de profondeur et de portée ? »

A dix ans d’intervalle, cette page fait directement écho à telle autre où il louait vivement Vinet, — celui de tous les critiques auquel il doit sans doute le plus, — « de mettre dans une histoire de la littérature française la question morale au premier plan. » « Il serait bien étonnant, disait-il déjà à ce propos, que la connaissance ou la curiosité des choses de la religion ne fussent pas de quelque secours à l’intelligence d’une telle littérature. » Ce qu’il avait avancé là, Brunetière le prouvait maintenant par son propre exemple.

Il en fournissait une preuve plus développée et plus complète encore en publiant vers le même temps un Manuel de