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crise qui n’est, hélas ! point encore terminée, et qui alarmait profondément son patriotisme. Il se lança dans la mêlée avec sa décision et sa fougue habituelles ; il écrivit des articles et prononça des discours qui lui valurent des « haines vigoureuses » et de tenaces rancunes ; il déclarait si fortement que l’idée religieuse et l’idée nationale sont indissolublement liées qu’on put accuser son catholicisme naissant d’être une des formes de son patriotisme. Il n’en était rien au fond ; et quand la poussière de la lutte fut un peu tombée, quand, d’autre part, son adhésion intérieure au dogme fut entière, on vit bien qu’il faisait reposer sa croyance sur des raisons plus générales et plus hautes que l’utilité sociale et l’intérêt patriotique. L’homme d’action qu’il n’avait jamais cessé d’être se fit alors plus directement et plus complètement apologiste.

Deux volumes de Discours de combat, — les deux derniers, — quelques études fragmentaires, et surtout un livre sur l’Utilisation du Positivisme, qui formait la « première étape » « sur les chemins de la croyance, » — les deux autres auraient eu pour titre les Difficultés de croire et la Transcendance du christianisme[1] : — voilà de quoi se compose cette œuvre d’apologétique : œuvre inachevée, par conséquent, et à peine esquissée, qu’on ne saurait donc juger dans son ensemble, mais dont on peut entrevoir le dessein et saisir l’esprit. Elle consiste essentiellement, et conformément à la vieille tradition chrétienne, — car, depuis qu’il existe, le christianisme n’a jamais fait autre chose que d’ « utiliser » les philosophies profanes, le platonisme avant Albert le Grand et saint Thomas, et l’aristotélisme après eux, — elle consiste à incorporer à la doctrine catholique et à l’apologétique tout ce qu’on peut trouver de bon et d’assimilable dans les autres doctrines ; à dégager plus particulièrement du pessimisme, de l’évolutionnisme et du positivisme « l’âme de vérité » qu’ils renferment, et à en enrichir la conception chrétienne du monde et de la vie. L’avenir seul pourra dire si cette

  1. Le second volume a au moins été esquissé dans une conférence prononcée à Amsterdam en 1904 sur les Difficultés de croire, et qui a été recueillie dans la dernière série des Discours de combat. Dans ma brochure de Notes et Souvenirs sur Ferdinand Brunetière (Paris, Bloud, 1907), j’ai publié quelques pages fort curieuses qui devaient faire partie de ce second volume. Enfin, il faut joindre au volume sur l’Utilisation du positivisme, la Défense que Brunetière en a présentée dans la Revue latine du 25 décembre 1904, en réponse à un article de M. Faguet, réponse qui devrait être réimprimée dans une nouvelle édition de l’ouvrage.