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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/627

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ouvertes dans la chaîne du Kurdistan, conduisent à la plaine du Tigre ; — au Sud, les Kotals s’enfoncent, d’étage en étage, jusqu’au golfe Persique. D’Alexandre à Tamerlan, c’est-à-dire pendant dix-sept siècles, l’Iran vit passer les conquêtes et les migrations de peuples : Grecs, Arabes, Turcs et Mongols. La montagne préserva, seule, les populations primitives ; le versant de la Caspienne, — Taliche, Guilan, Mazandéran, — maintint la pureté de la race iranienne. Kurdes, Loures et Beloutches persistèrent dans les chaînes occidentale et méridionale. Dans le plat pays, les Iraniens furent souvent décomposés : Turcs et Mongols occupèrent l’Azerbaidjan et l’Irak Adjemi ; les Turcs prirent une partie du Khorassan et poussèrent leurs tribus jusqu’au Fars. Les Arabes gardèrent l’Arabistan et se dispersèrent à travers le désert jusqu’au Séistan. Au bord du golfe Persique, un mélange d’Arabes et de Persans créa la population mixte des Bendéris. Au milieu de cette confusion ethnique, se perdirent, en petits groupes, Arméniens, Chaldéens, Juifs, Guèbres et Tziganes. Malgré l’ancienneté de leur établissement, ces gens ne sont point encore complètement fixés au sol ; le tiers d’entre eux vit sous des tentes noires, conduisant ses troupeaux des pâturages de l’été aux abris de l’hiver.

De ce chaos, le moderne État persan ne parvint à émerger qu’au début du XVIe siècle. La dynastie Séfévie s’appuya moralement sur une confrérie religieuse, matériellement sur les tribus turques de l’Ouest. Elle poussa, comme firent, au Maghreb, les dynasties chérifiennes, et dut créer une institution analogue au Makhzen marocain. Le Chiisme devint la religion nationale, qui fournit un lien commun aux diverses races. Les déplace-mens arbitraires brisèrent la personnalité de la plupart des tribus ; des Kurdes allèrent au Khorassan, des Arméniens vinrent à Ispahan. A la fin du XVIIIe siècle, Agha Mohammed Schàh s’empara du pouvoir à la tête d’une tribu turque et fit une nouvelle dislocation de peuples. Il transporta vers le Nord les Lekhs du Fars, coupables d’avoir soutenu le Zend contre le Kadjar.

Aujourd’hui, l’évolution de la Perse se trouve déjà fort avancée. L’unité nationale est complète. L’Arabe de l’Arabistan est un aussi bon Chiite, un aussi bon Persan que le Turc de l’Azerbaidjan ou l’Iranien d’Ispahan. Il n’y a plus de Sunnites que parmi les Kurdes du Nord-Ouest. Les communautés non musulmanes sont relativement peu nombreuses : 65 000