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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/632

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L’Azerbaidjan appartient à un groupe de familles turques, que fit surgir la décomposition du XVIIIe siècle ; dans les provinces caspiennes, les anciens chefs indépendans conservent l’autorité sur leurs domaines. Les tribus sont aux Ilkhanis ou à la collectivité des aghas de villages. Les grands moudjteheds locaux dominent à Kachan, Sultanabad et Zendjan. A Ispahan, le prince-gouverneur et le grand moudjtehed se partagent la province… Dans le Sud, chaque district a son seigneur, et le Fars entier appartient à la puissante famille de Kawam-ol-Molk. Aux extrémités- occidentales, le Vali du Poucht-i-Kouh et le Cheikh de Mohammérah gardent encore une bonne part d’autonomie.


II

Le progrès des idées libérales tend à écarter ce vieux système fondé sur l’opposition de deux pouvoirs et à associer directement le peuple de l’Iran au gouvernement du pays. Chose curieuse, les aspirations à la liberté sont nées de l’évolution même de la religion chiite et trouvent, à l’heure actuelle, leur principale force parmi les mollahs. Bien que l’idée d’impureté, héritée du Mazdéisme, ait, de prime abord, rendu le Chiisme beaucoup plus intolérant que le Sunnisme à l’égard des non-musulmans, il n’en constitue pas moins un Islam beaucoup plus souple que l’autre et mieux disposé aux transformations. Il commente plus librement la parole divine contenue dans le Coran et, s’il s’abstient de discuter le texte même, il en interprète volontiers le sens. De plus, l’association des douze Imams à l’infaillibilité du Prophète lui vaut un luxe de traditions, qui permet de présenter et de soutenir les innovations les plus audacieuses. La liberté de pensée, la liberté de parole sont aujourd’hui déduites d’un oracle obscur, attribué à quelque Imam.

D’ailleurs, la dévotion, les pratiques religieuses se sont affaiblies dans les classes élevées. Non point qu’un cerveau musulman puisse jamais effacer l’empreinte de l’Islam, ni qu’une âme persane renonce au Chiisme, devenu le symbole de sa nationalité. Mais l’imperfection de la prière, résultant de l’absence de l’Imam, la formation quasi chrétienne du dogme chiite, les manifestations de deuil, auxquelles se réduit le culte populaire, ont peu à peu détourné les esprits cultivés de la pratique d’une religion