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apparaître comme un escamotage, organisé par une influence étrangère au profit d’un intérêt étranger ; il avait commencé petitement avec les seuls élus de la capitale ; ceux des provinces attendaient, pour rejoindre, l’issue des révolutions locales. Lors du couronnement de Mohammed-Alî’ Schâh, il avait été laissé à l’écart, sans qu’aucune place spéciale lui fût attribuée dans la cérémonie. Bien que le nouveau souverain ait prêté sur la Constitution tous les sermens imaginables, l’opinion publique ne s’en obstinait pas moins à le considérer comme un réactionnaire impénitent, excitant en sous-main les alarmes du haut clergé et de la domesticité royale contre les premiers essais de réformes. Par ailleurs, les députés manquaient d’expérience, se refusaient à distinguer les deux pouvoirs, exécutif et législatif, et s’imaginaient que l’ère nouvelle consistait à substituer l’autocratie du Parlement à celle du Roi. Ce fut par une lutte entre ces deux autocraties que le Parlement entendit préciser son rôle et fonder son prestige. L’ancienne forme de gouvernement, le personnage tout-puissant du Sadr’Azam avaient disparu pour faire place à un cabinet de ministres. Ces ministres devaient-ils être des politiciens issus de la majorité ou des fonctionnaires désignés par le Shah ? En d’autres termes, la Perse serait-elle un pays constitutionnel comme les États de l’Europe centrale, ou bien parlementaire comme ceux de l’Occident ? De là naquit un conflit, qui, selon toutes probabilités, pèsera longtemps encore sur la politique persane. La Constitution reste muette sur le point controversé ; elle admet bien la responsabilité des ministres, leur renvoi par la Chambre, l’éventualité de leur mise en accusation, mais elle évite de déterminer le choix du souverain. Cependant la querelle est modérée ; le peuple persan est monarchique ; le Roi n’est point irréductible, car il comprend mieux que quiconque la valeur du nouveau Parlement pour seconder l’œuvre des réformes et résister aux ingérences du dehors ; le tempérament national répugne aux ruptures. Le Parlement a pleinement raison d’affirmer son existence ; de son côté, le Shah n’a point tort de prétendre à une part d’autorité, dans un pays encore mal établi, où la personne royale marque le sceau de l’unité nationale, et vis-à-vis d’un peuple dont la quasi totalité demeure étrangère à l’idée de la liberté. Entre la Couronne et la représentation populaire, il y a place pour une transaction ; elle interviendrait beaucoup plus vite, si la rivalité anglo-russe