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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/657

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anglais y prend ses voies d’accès vers l’Iran : à Bender-Abbas, pour Kerman et Méchhed, à Lingah pour le Laristan, à Bouchire et à Mohammérah pour les provinces du centre, à Bassora, par Bagdad, pour celles de l’Ouest. Bouchire est la capitale des établissemens anglais du Sud : l’habitation du résident à Sebzabad, les vastes bâtimens du télégraphe, le stationnaire ancré en rade impriment au petit port le sceau de la puissance anglaise. C’est le seul point de la Perse où la langue anglaise soit d’un constant usage ; les commerçans arméniens et guèbres, les employés goanais, la féodalité de la chaîne méridionale, parfois même certaines tribus relèvent de l’influence britannique. Le médecin de la résidence a mis la main sur tout le service sanitaire du golfe et en dirige les postes, confiés à des officiers de santé indiens. Les câbles se sont ramifiés ; les télégraphistes indiens ont occupé l’île d’Henjjam, à l’entrée du détroit d’Ormuz, pour la rattacher à Bender-Abbas.

Néanmoins, le commerce anglais recule constamment devant le commerce russe. En 1889, lord Gurzon estimait le trafic de l’Angleterre et de l’Inde avec la Perse à 75 millions, celui de la Russie à 50 millions. En 1901-1902, les statistiques dressées par les Belges de l’administration des douanes accusaient 59 millions pour les Anglais, 96 millions pour les Russes, en 1905-1906, sous le régime du traité russo-persan, les mêmes statistiques élevaient le commerce russe à 170 millions environ, le commerce anglais n’atteignait que 70 millions.

Dans toutes les villes importantes de la Perse, l’Angleterre et la Russie entretiennent des consuls qui servent d’instrumens aux deux influences rivales. Les consuls russes appartiennent au département asiatique ; les Anglais à la carrière consulaire, pour les postes de Tauris, Ispahan et Chiraz ; partout ailleurs, ils relèvent du département politique de l’Inde. Ce sont, d’ordinaire, gens aimables et hospitaliers, sérieux et instruits, représentant avec dignité, parmi les Iraniens, la personnalité européenne. Il peut arriver que les rapports des deux collègues soient courtois et même cordiaux ; cependant, leur situation réciproque se ressent infailliblement de la mentalité spéciale, que développent en eux la pression des circonstances locales et la conscience de figurer aux avant-postes d’une rivalité militante. En Perse, l’agent anglais ou russe est fréquemment consul général ; le souci de son prestige lui vaut un uniforme militaire,