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point à consolider un état de choses, supportable, à tout prendre, pour le présent, et susceptible de réserver l’avenir.

Le maintien de l’intégrité et de l’indépendance de la Perse, le principe de la porte ouverte servent de base au traité du 31 août 1907. La délimitation de zones d’intérêts permet désormais aux deux gouvernemens de réprimer l’humeur batailleuse de leurs agens. L’Angleterre se contente d’un lot fort modeste, le Séistan et le Mékran, c’est-à-dire deux provinces médiocres, mais d’une réelle valeur stratégique, puisqu’elles garantissent la défense de l’Inde et l’accès de la mer d’Oman. Le reste de la Perse méridionale, où domine l’influence anglaise, est laissé en dehors de toute attribution. La zone reconnue à la Russie, avec Ispahan et Yezd, laisse entrevoir à son action éventuelle les plus belles provinces du royaume, bien au-delà des limites où sa pénétration commerciale était devenue prépondérante. Cette zone absorbe Kasr-i-Chirine, où doit se raccorder au futur réseau persan l’embranchement du chemin de fer de Bagdad. Enfin les deux puissances ne prévoient de limitation au principe de l’indépendance persane que pour l’établissement éventuel d’un contrôle financier « afin d’éviter toute ingérence qui ne serait pas conforme aux principes servant de base au présent arrangement, » — en d’autres termes, au cas où il prendrait fantaisie au gouvernement persan de négocier un emprunt avec les banques allemandes.

Peu flatteur sans doute pour l’amour-propre de la Perse, le traité du 31 août 1907 n’apparaît pas mauvais pour son avenir. Sans fixation de zones d’intérêts, il eût été impossible d’exhorter à l’apaisement des agens déchaînés qui étaient aux Persans la libre disposition d’eux-mêmes. En outre, la nouvelle affirmation de l’indépendance et de l’intégrité de la Perse ne peut être un vain mût, ni pour la Russie, ni pour l’Angleterre. La première a trop à faire chez elle pour s’engager, de gaieté de cœur, dans une aventure asiatique ; et sa lente évolution vers la liberté favorise celle de la Perse. Quant à l’Angleterre, elle a tellement réduit ses prétentions, qu’elle ne saurait tendre au partage de la Perse sur la base des présentes zones d’intérêts. La création d’États-tampons sur ses frontières est un principe constant de la politique indienne : l’Inde a besoin d’écrans épais, pour arrêter la pénétration d’idées et d’influences nuisibles au délicat édifice de la domination britannique. Dans les déserts de l’Iran, sur les