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politique est nécessairement prépondérant, les derniers événemens ont accentué la personnalité de l’Allemagne et de la France auxquelles ils paraissent réserver un rôle dans le développement éventuel de l’Iran.

Depuis qu’en 1637, un marchand de Hambourg tenta, sous les auspices du duc de Holstein, d’exporter les soies de la Perse à travers la Russie, l’Allemagne s’était peu manifestée dans l’Orient moyen. Sa langue y fut introduite par les officiers et les médecins autrichiens ; en 1905-1906, le commerce de l’Autriche s’élevait à 6 millions et demi de francs ; celui de l’Allemagne n’atteignait que 3 millions et demi. A peine existe-t-il une colonie allemande : des médecins, un pharmacien à Téhéran, des employés d’une maison de commerce suisse, un ancien capitaine de navire, devenu commerçant à Chiraz. Cependant le prestige germanique rayonnait sur la masse iranienne : elle savait confusément qu’un empereur, ami de l’Islam, s’appliquait à maintenir les États musulmans vermoulus ; les grands du pays envisageaient la cour de Berlin comme le refuge naturel des aristocraties en délicatesse avec les peuples. Dociles à l’exemple de l’armée allemande, les corps de la garde à Téhéran, les régimens de Zill-e-Soltan à Ispahan, se coiffaient du casque à pointe. Aussi, à l’approche de la dernière crise, l’attention du gouvernement persan se porta-t-elle anxieusement vers l’Allemagne, dont l’expansion dans l’Asie antérieure paraissait commander l’indépendance de l’Iran : un hôpital fut confié à des médecins allemands, une école allemande ouverte, une succursale de la Deutsche Orients Bank autorisée à s’établir à Téhéran. La Perse attend de l’Allemagne qu’elle veuille bien garantir sa transformation et son développement, à l’encontre de l’Angleterre et de la Russie.

Si les soucis de sa politique générale ne permettaient point à l’Allemagne d’assumer une telle entreprise, la France se trouve du moins en mesure de poursuivre, en Perse, sa politique traditionnelle, qui consiste à favoriser discrètement le progrès d’un peuple acquis à notre culture, tout en formant tampon, pour peu que nous en soyons requis, entre les deux puissances naguère rivales, dont l’une se trouve être notre alliée, et l’autre notre amie.

Les rapports de la France et de la Perse remontent assez loin pour s’être consolidés par l’effet du temps. Notre commerce a maintenu son importance : il vient au quatrième rang, aussitôt