Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« respect » qu’ils méritaient. Il faisait mieux : il s’en prenait, — avec quelle virulence ! — au maître de chœur, au patriarche de Ferney lui-même. Qu’on se rappelle les dernières pages de son premier article sur Voltaire, — il est de 1878, — et surtout le parallèle entre Bossuet et Voltaire qui Le termine :


L’évêque n’a pris les armes que pour soutenir, défendre et fortifier : le courtisan de Frédéric et de Catherine II n’est entré dans la lutte que pour détruire, dissoudre et achever les déroutes que d’autres avaient commencées. Bossuet n’a combattu que pour les choses qui donnent du prix à la société des hommes, religion, autorité, respect : Voltaire, sauf deux ou trois fois peut-être, n’est intervenu que dans sa propre cause… Et le prêtre du XVIIe siècle a vu plus loin et plus juste que le pamphlétaire du XVIIIe.


Quand on est demeuré fidèle, depuis vingt ans, — écrivait-il plus tard à un critique, — à cette haine constante de Voltaire et à ce respect pour Bossuet. on peut bien avoir varié d’opinion sur Marivaux, je suppose, ou sur les Parnassiens, mais il y a des chances pour qu’on soif demeuré au fond le même, et vous l’avouerai-je ? en dépit de l’évolution, j’ai eu peur quelquefois que ce ne fût mon cas[1].


Et enfin, il ne se contentait pas d’étudier, avec une respectueuse sympathie, le christianisme dans l’œuvre de ses représentai les plus qualifiés ; il était, — deux ou trois articles peu remarqués en témoignent, — fort curieux de l’histoire des religions comparées, et, en particulier, des recherches relatives au bouddhisme. Le bouddhisme était, à ses yeux, « l’événement qu’on peut appeler, avec l’apparition du christianisme, le plus considérable de l’histoire du monde. »


Ce qu’on ne peut nier, ajoutait-il, c’est que ces spéculations sur l’évolution de l’esprit humain à la recherche d’un Dieu soient faites pour séduire les esprits même les plus fermes et les plus froids. C’est ici, quoi qu’on veuille et quoi qu’on puisse faire, le fort indestructible de toute religion, de toute théologie, de toute métaphysique. Car, comme on ne fera pas que tout homme qui pense ne s’interroge quelquefois sur le sens possible et sur le but de la vie, on ne fera pas que toutes religions et toutes métaphysiques, mortes ou vivantes, actuelles ou futures, ne contiennent le meilleur et le plus pur de ce qu’il y a dans l’esprit humain.


Si, d’ailleurs, il n’hésitait pas à souligner au passage les curieuses analogies que présentent les religions de l’Inde avec

  1. Lettre inédite du 16 septembre 1898.