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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/713

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Nous approchons des vacances de Pâques, qui sont des jours de sécurité pour le ministère. C’est pourquoi ceux qui sont le plus pressés de le renverser, parce qu’ils ont l’espoir plus ou moins fondé de le remplacer, lui ont livré depuis quelques jours des assauts multipliés. Mais leur maladresse a été pour le moins égale à leur impatience, et le ministère s’en est trouvé consolidé, au lieu d’en être ébranlé. Consolidé est peut-être un mot excessif ; nous ne croyons pas le ministère bien solide ; il règne contre lui, au Palais-Bourbon, une mauvaise humeur presque générale. Malgré cela, lorsque derrière M. Clemenceau la majorité voit rôder M. Combes, ou M. Berteaux, prêts à profiter de sa chute, elle se reforme et se resserre autour de lui. M. Clemenceau est heureux d’avoir de pareils adversaires. Qu’ils se montrent, et le voilà remis en selle.

M. Combes n’est plus jeune : il estime n’avoir pas le temps d’attendre. Lorsqu’il a quitté le pouvoir, sentant bien que le pouvoir allait le quitter, on a cru être débarrassé de lui pour toujours. Son gouvernement avait jeté du déshonneur sur la République en ouvrant l’armée à la délation. Il avait notoirement affaibli la défense nationale sur terre et sur mer. Il avait mis le désordre et la désorganisation partout. Jamais l’anarchie n’avait été plus menaçante, et jamais non plus les divisions du pays n’avaient été plus profondes. Ce régime à toute outrance avait fini par s’épuiser sous ses propres excès, et M. Combes avait disparu. Mais on se rappelle qu’au moment même de disparaître, il avait essayé de prendre à l’égard de ses successeurs un rôle de conseiller et de protecteur. Ébloui lui-même par le succès inespéré, et assurément injustifié, de sa carrière politique, il prétendait, même dans sa retraite, exercer sur le gouvernement une influence durable : seulement, il eut le tort de le laisser trop voir, et