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réintégré en même temps que le général Picquart ? Ce retard a été fâcheux : la réintégration de M. Reinach n’aurait pas donné lieu autrefois aux mêmes conséquences qu’aujourd’hui. D’abord, il a fallu réintégrer avec lui un certain nombre d’autres officiers, coupables de divers manquemens à la discipline. Les assemblées n’aiment pas à faire une loi pour une personne, nominalement désignée ; elles préfèrent, comme la Providence, procéder par des lois générales. On a même trouvé le moyen, pendant le débat, de rayer le nom de M. Reinach du texte de la loi et de le faire rentrer lui-même dans le droit commun. Il aurait fallu s’en tenir là ; mais la Chambre était mise en goût de réintégration : en pareille matière, lorsqu’on a commencé, on ne sait plus où on doit finir. Pourquoi accorder une sorte de privilège aux militaires ? Est-ce que les civils ne sont pas aussi dignes d’intérêt ? Est-ce que les fautes qu’ils commettent ne méritent pas autant d’indulgence, sinon plus ? En conséquence, M. Paul Constans, socialiste, a proposé de « réintégrer dans l’exercice de leurs fonctions, pour prendre rang du jour où elles leur ont été confiées pour la première fois, les anciens fonctionnaires de l’administration publique frappés administrativement pour délit d’opinion ou action politique. » Le gouvernement, qui ne s’attendait à rien de pareil, a perdu la tête. Sans doute il s’est opposé à l’amendement de M. Paul Constans, mais avec quelle mollesse ! D’abord, c’est M. le sous-secrétaire d’État aux postes et aux télégraphes qui a parlé en son nom, et, en vérité, c’était trop peu. Cette appréciation ne s’applique pas à la personne de M. Simyan, mais à sa fonction. M. Clemenceau aurait dû prendre la parole lui-même, et combattre avec énergie une proposition en vertu de laquelle une absolution générale englobait indistinctement tous les fonctionnaires qui avaient manqué à leurs devoirs, qui avaient fait acte d’antimilitarisme, qui avaient signé et placardé une lettre insolente à M. le président du Conseil, comme l’instituteur Nègre. Tous devaient être réintégrés. Le gouvernement n’a paru se préoccuper d’abord que de quelques malheureux postiers, compromis dans la dernière grève, et voilà pourquoi M. Simyan a été seul à parler : il aurait dû voir que l’attaque contre lui prenait un caractère plus direct lorsque M. Berteaux a soutenu l’amendement Constans. — Le gouvernement, a dit M. Berteaux, promet toujours aux fonctionnaires de leur donner un statut personnel qui ne vient jamais. Dans l’état de choses actuel, ils sont livrés au bon plaisir : la Chambre doit faire quelque chose pour eux. — C’était blâmer le ministère des actes d’énergie intermittente qu’il a accomplis : cependant M. Clemenceau