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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/915

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Théseion nous hante, et cette masse trapue nous suggère des comparaisons désagréables. Je sais bien que le Parthénon n’est pas le Théseion, que les proportions en sont autrement heureuses. Mais n’importe ! Je suis bien assuré que, s’il y avait encore un mur compact derrière ces colonnes, qui s’espacent maintenant, avec un tel relief, sur un fond de ciel, l’impression de grâce robuste et de force triomphante, que nous en recevons, serait singulièrement diminuée.

Et ces polychromies, sur lesquelles on a tant discuté, j’imagine aussi qu’elles nous eussent ménagé des surprises. Voyez plutôt celles de l’Athènes moderne, — ces colonnades pseudo-antiques qui se détachent crûment sur du rouge sang de bœuf, ces frontons barbouillés de bleu d’outremer. Les archéologues prétendent que les polychromies anciennes étaient discrètes, et que d’ailleurs l’intensité de la lumière en adoucissait l’éclat. Quel paradoxe ! Bon pour une cathédrale gothique, où la violence des tons s’atténue dans la pénombre ! Mais en Grèce, — sauf peut-être en plein midi, — le soleil ne fait que souligner davantage la dureté de la couleur. Les polychromies égyptiennes qui subsistent, — et qui ne différaient guère sans doute des polychromies grecques, — nous fournissent une preuve à peu près concluante. Quoique pâlies par les siècles, elles sont étrangement criardes. Les bas-reliefs coloriés de Médinet-Abou m’apparurent de loin comme des cartes à jouer clouées sur un mur. Et plus je les examinais, plus se fortifiait en moi l’opinion que j’avais prise devant les bijouteries du Musée du Caire : c’est qu’une bonne moitié, au moins, de l’art antique nous échappe. Encore une fois, cela n’a pas été fait pour nous, cela froisse notre sensibilité et notre œil accoutumés à des nuances plus savantes ou à des techniques plus raffinées.

Ainsi du reste ! Comment aurions-nous trouvé l’abattoir permanent qui fonctionnait auprès du Parthénon et qui desservait l’autel d’Athéna ? Car on égorgeait, on dépeçait, on rôtissait des animaux en l’honneur de la Déesse aux yeux bleus, qui avait grand appétit en ce temps-là, et qui n’était pas encore devenue un anémique symbole d’académie. Ceux qui ont assisté, dans les cérémonies musulmanes, aux sacrifices de moutons et de chameaux, sentiront mieux ce que ces tueries comportaient de répugnant. Même la procession des Panathénées eût démenti, j’en suis certain, l’idée fausse et toute livresque que nous en avons.