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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Nous assistons, depuis quelques jours, à un conflit du capital et du travail dont il est difficile de dire dès à présent comment il évoluera et se terminera. La Chambre syndicale des entrepreneurs de maçonnerie, après avoir constaté que le travail ne pouvait plus durer dans les conditions actuelles, a prononcé le lock-out, mot que nous avons emprunté à la langue anglaise et qui signifie le licenciement des ouvriers. Pendant la première période qui a suivi l’application de la loi de 1884 sur les syndicats professionnels, les ouvriers seuls se sont mis en grève lorsque les patrons n’ont pas cru pouvoir céder à leurs exigences, et on sait à quel point ils ont usé et abusé de ce moyen de pression. Ils en avaient le droit, nous le voulons bien ; mais les patrons l’ont aussi, et il était à prévoir qu’un jour ou l’autre ils en useraient à leur tour. S’ils ne l’ont pas fait plus tôt, c’est qu’ils sont plus raisonnables que les ouvriers, et qu’ils calculent mieux ce que l’interruption du travail leur fait perdre aux uns et aux autres. L’épreuve est dure pour eux comme pour les ouvriers : nous espérons qu’ils ne s’y sont pas engagés à la légère et qu’ils sont à même d’en supporter toutes les conséquences.

Le lock-out a commencé le 4 avril. La Chambre syndicale des entrepreneurs, désireuse de mettre l’opinion de son côté et, en tout cas, de ne pas la laisser s’égarer, a expliqué par voie d’affiche les causes du conflit. L’origine en est déjà assez lointaine : elle date de près de deux ans. A la suite du 1er mai 1906, les ouvriers de la maçonnerie ont émis des prétentions que les patrons n’ont pas voulu subir, et il en est résulté une grève qui a duré six semaines. Au bout de ce temps, les ouvriers avaient épuisé leurs ressources ; ils ont demandé à reprendre le travail, et les chantiers qu’ils avaient désertés se sont