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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/959

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pas non plus grand’chose à dire, c’est celle qui s’applique aux délits commis contre la loi relative au repos hebdomadaire. Nous sommes partisan du principe de cette loi, mais elle a été si mal faite et a été appliquée si maladroitement, que le Parlement et le gouvernement, s’ils font leur examen de conscience, doivent se sentir quelque peu responsables des infractions qui se sont produites et des condamnations qu’elles ont entraînées. On nous propose de passer l’éponge sur tout ce passé et de l’oublier. Soit : mais il fallait s’en tenir là. Le gouvernement l’aurait bien voulu, il l’a même essayé : malheureusement, il n’a pas eu assez d’autorité sur la Chambre pour la retenir, et la Chambre s’est livrée à une débauche d’amnisties comme on n’en avait encore jamais vu. Le spectacle a été à la fois épique et comique. Il faut se rappeler que nous sommes à la veille des élections municipales pour comprendre avec quelle largeur et quelle largesse la Chambre a éparpillé sa mansuétude sur les délits ou contraventions de chasse, de pêche, de roulage, de vaine pâture, etc., etc. Un député prenait en main la cause des cochers de fiacre, un autre celle des manifestans à la gare Saint-Lazare qui, il y a quelques semaines, ont brisé des vitres et cassé des bancs parce que les trains de la banlieue étaient en retard. La bonté de nos députés s’étendait vraiment sur toute la nature. Seuls, et cette exception a son prix, les antimilitaristes et les antipatriotes n’en ont pas bénéficié. Le gouvernement, honteux et désemparé, regardait passer ce flot trouble qu’il ne pouvait plus ni contenir, ni endiguer. Heureusement le Sénat y a mis bon ordre : il a rétabli, à peu de chose près, le texte primitif du gouvernement. Il l’a fait malgré le gouvernement lui-même, qui craignait sans doute d’avoir de la peine à faire accepter par la Chambre les amendemens à la loi de dévolution et les amendemens à la loi d’amnistie. Mais la Chambre a tout accepté, et toujours pour le même motif, parce que nous sommes à la veille des vacances, que les élections municipales sont prochaines, et que tout le monde est pressé de quitter Paris.


Toutefois, M. Jaurès n’a pas voulu laisser échapper le ministère sans lui adresser une dernière interpellation. M. Jaurès devrait être un peu fatigué lui-même de son éloquence ; mais il laisse cette impression aux autres ; il est toujours prêt à parler ; il parle ; c’est une fonction de sa nature, c’est un besoin pour lui. Son interpellation de l’autre jour était particulièrement inutile. Elle devait produire un effet opposé à celui qu’il s’en proposait, c’est-à-dire donner une grosse