Victor-Amédée ne fussent comblées, et au-delà. La maison de Savoie régnant sur l’Espagne, avec l’assentiment de la France, c’était un dénouement de l’alliance savoyarde auquel, même au moment de son union la plus intime avec Louis XIV, Victor-Amédée n’aurait jamais osé prétendre.
Il devait cependant gagner une couronne au congrès d’Utrecht. De nouveau l’Angleterre prit sa cause en main et proposa que le royaume de Sicile lui fût abandonné par l’Espagne. A cet abandon Philippe V se résigna, et Louis XIV donna également son assentiment. Le dernier allié de Victor-Amédée, l’empereur Charles VI, fut le seul qui s’y opposât avec passion. Mais le congrès passa outre, et, le 12 avril, en même temps qu’un traité de paix en trente articles était signé entre l’Angleterre et la France, un traité en dix-neuf articles était signé avec la Savoie. Ce traité donnait satisfaction à presque toutes les ambitions de Victor-Amédée. Non seulement il obtenait la restitution de la Savoie et du comté de Nice, mais il prenait possession de la vallée de Pragelas avec les forts d’Exilles et de Fenestrelles et « de tout ce qui est à l’eau pendante des Alpes du côté du Piémont. » Mais il cédait, il est vrai, « à Sa Majesté très chrétienne, à toujours, la vallée de Barcelonnette et ses dépendances de manière que les sommités des Alpes et montagnes serviront à l’avenir de limites entre la France, le Piémont et le comté de Nice. » Louis XIV donnait en outre son assentiment au traité par lequel l’Empereur avait abandonné à Victor-Amédée une partie du Milanais. Enfin l’article 5 l’instituait roi de Sicile. Désormais le duc de Savoie allait marcher de pair avec les têtes couronnées. M. Legrelle, dans le savant ouvrage où il a minutieusement rendu compte de ces négociations laborieuses, a raison d’ajouter : « Victor-Amédée se voyait trop généreusement payé par la France de ses trahisons[1]. »
Victor-Amédée avait hâte de ceindre cette couronne, objet de son éternelle ambition. « Le 22 septembre, jour de la fête de Saint-Maurice, au milieu d’une nombreuse assistance qui réunissait les princes du sang, les évêques, la noblesse et la magistrature du Piémont, il prenait solennellement le titre de roi de Sicile[2]. » Peu attachée à ses souverains espagnols qui jamais ne l’avaient visitée, la Sicile était heureuse de passer sous la