domination d’un prince italien. Aussi Victor-Amédée recevait-il des adresses des principales villes que le prince de Roccafiorita lui apportait à Turin. Les habitans de Messine se distinguaient par leur enthousiasme. « Puisse le ciel, disaient-ils, exaucer les vœux que nous formons pour la gloire de Votre Majesté ! Puisse un jour, de notre promontoire, s’élever, grâce à sa formidable épée, un pont qui, facilitant la conquête de nouveaux royaumes, unisse ce domaine à ses domaines héréditaires des Alpes[1] ! » Au mois de novembre suivant, Victor-Amédée se faisait transporter en Sicile par les vaisseaux de l’amiral anglais Jennings, car il n’avait point de marine. Il emmenait avec lui la pauvre duchesse, devenue la reine Anne, qui avait jusque-là tenu si peu de place dans la vie de son époux, et qui était tout heureuse de se voir ainsi associée à sa gloire[2]. Le nouveau souverain de la Sicile fit à Palerme une entrée vraiment royale. Cavalcade, feux de mousqueterie, acclamations populaires, sacre, Te Deum, rien n’y manqua. « Partout, pendant huit jours, ce ne fut que bals, sérénades, tournois. On grava sur le marbre les épisodes du couronnement. On frappa des médailles avec l’aigle de Sicile et la croix de Savoie, et une députation de l’ordre de Malte vint offrir le faucon, suprême hommage dû à la couronne de Charles d’Anjou[3]. » Pendant que Victor-Amédée triomphait ainsi à Palerme, Louis XIV vieillissait solitaire dans Versailles attristé.
Tel fut l’épilogue de l’alliance savoyarde sous Louis XIV. Près de deux siècles se sont écoulés depuis les événemens que nous avons entrepris de raconter. Le vœu que formaient les habitans de Messine, et qui pouvait sembler singulièrement chimérique s’est réalisé. De leur promontoire s’élève aujourd’hui un pont qui rejoint la Sicile aux États patrimoniaux des ducs de Savoie, et ce pont, c’est l’Italie elle-même. Le petit Piémont a joué dans la formation du nouveau royaume le même rôle que l’Ile-de-France dans la formation du royaume de France. La dynastie issue du mariage entre Odon, fils d’Humbert aux blanches mains, et Adélaïde de Turin, à laquelle il a su demeurer fidèle, règne aujourd’hui sur la péninsule entière, comme la