d’un si vaniteux égoïste ! Mais Oudinot, sans doute, daignerait agir davantage…
Il avait agi moins encore : une lettre banale au ministre Berthier, et pas autre chose ! Le postulant commençait à perdre patience. Fanfaronne et brutale, sa nature, domptée à grand’peine, retrouvait ses violences : il déblatérait contre le Consul, proférait des injures, grommelait des menaces. Oudinot écoutait ce furieux, sans donner la réplique, mal à son aise, méfiant, fort ennuyé. Après quatre visites, le prudent Lorrain lui ferma sa porte…
Seul, Davout avait parlé d’espoir à ce désespéré…
Compagnon de Bonaparte à la tuerie des Pyramides, et beau-frère de Paulette Leclerc, sœur du Premier Consul, Davout était un favori d’importance dans la camarilla de la Malmaison. Il affectait pourtant des airs de rigorisme, voire de rudesse ; mais ses mines renfrognées et son abord bourru donnaient plus de piquant à ses savantes flatteries. Son passage à l’armée d’Egypte l’avait rendu mamelouk, adorateur de la Fortune, dévot au maître de l’Heure, et le fanatisme de sa religion trouvait souvent des mots dignes d’un janissaire. On en citait plusieurs qu’on eût crus fabriqués par Roustan. Exécrant Moreau, de toute la haine qu’éprouvait Bonaparte, il avait, disait-on, déclaré : « Moi, si le Consul m’ordonnait d’assassiner cet homme, j’obéirais à la consigne : j’assassinerais… » Une telle ostentation d’obéissance passive, un pareil sacrifice de soi-même n’était pas pour déplaire à Napoléon, ce cruel contempteur de toute dignité humaine. A peine âgé de trente-deux ans, Davout était déjà divisionnaire, et commandait les grenadiers à pied de la Garde. Aucun fait d’armes très marquant ne pouvait expliquer une si rapide fortune ; mais son culte de la discipline avait beaucoup plu, sans doute. Et sans doute, aussi, Bonaparte avait deviné le grand homme de guerre, — le plus grand de tous ceux que forma son école, — le tenace et superbe soldat dont la mitraille devait, sur les pentes d’Auerstaedt, ouvrir, en l’insolent orgueil de la Prusse, une blessure si profonde que Leipzig, Belle-Alliance, Sedan même n’ont pu encore la cicatriser…
Le favori, toutefois, ne payait pas de mine et, dans le service, était un fort déplaisant personnage. Figure assez vulgaire : nez camus, lèvres minces, menton court, larges nageoires frisottantes, crâne à peu près chauve, yeux saillans qu’abritaient