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l’autre : leurs forces et leurs moyens d’influence dans la péninsule se font contrepoids. La guerre de 1878 n’a été fendue possible que par l’entente conclue à Reichstadt, dès 1875, et par la promesse, faite à l’Autriche, de la Bosnie et de l’Herzégovine. Le voyage du prince Lobanof à Vienne, en 1896, marque le début d’une nouvelle période d’entente ; un accord est conclu en 1897 lors de la visite de l’empereur François-Joseph à Saint-Pétersbourg. Les termes n’en ont jamais été rendus publics ; mais les événemens en ont révélé le sens : les deux puissances s’entendaient pour qu’il ne fût porté aucune atteinte au statu quo territorial dans la péninsule ; elles se promettaient de ne rechercher ni l’une ni l’autre d’avantages particuliers et d’intervenir d’un commun accord si quelque événement menaçait de troubler l’ordre établi dans les Balkans. C’était l’époque où la Russie s’engageait dans sa politique asiatique : avant de partir pour un long et lointain voyage, elle prenait ses précautions ; elle voulait s’assurer que l’ordre ne serait pas troublé à sa porte, et que sa rivale ne profiterait pas de son absence pour la supplanter dans les Balkans. En concluant une entente avec l’Autriche, la Russie comptait la paralyser. L’accord se fit donc sur un programme négatif et il dura ; les sentimens personnels des deux souverains l’un pour l’autre, et la prudente réserve du comte Goluchowski y contribuèrent pour une large part. Survinrent les troubles de Macédoine : les deux associées revendiquèrent le droit d’y maintenir l’ordre et la paix ; l’Europe leur fit confiance pour agir en son nom. Le voyage de l’archiduc héritier, François-Ferdinand, en Russie, en février 1902, resserra encore l’entente ; le programme que les « deux puissances le plus directement intéressées » allaient se charger de faire appliquer en Macédoine, fut arrêté à Mürzsteg (25 février 1903).

Le programme de Mürzsteg, c’était le système du « statu quo amélioré ; » « c’était, dit M. Isvolski, un protocole de désintéressement. » On n’a pas oublié comment les quatre autres grandes puissances, et particulièrement l’Angleterre, coopérèrent aux réformes ; mais l’accord entre Vienne et Pétersbourg n’en fut pas troublé. La Russie, aux prises en Extrême-Orient avec les pires difficultés, abandonnait, en fait, la direction au Cabinet de Vienne ; elle lui savait gré de ne pas profiter des embarras qu’elle avait en Asie pour s’assurer des avantages particuliers. La paix