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contribue à stimuler ce réveil de la fraternité slave ; mais il faut y voir aussi le résultat et, pour ainsi dire, le point d’affleurement de tout un long travail souterrain de préparation et de propagande nationale que les Slaves, chacun chez soi, ont accompli silencieusement : les nations slaves sont en plein travail de formation et d’organisation.

Lorsque les Russes, délivrés du lointain cauchemar asiatique, ont de nouveau tourné leurs regards vers la détresse des frères slaves de la péninsule balkanique, les conséquences de leur trop longue absence leur sont apparues : le statu quo, par la force même des choses, c’est à l’influence autrichienne et germanique qu’il a profité. La politique russe, aux yeux des populations, ne peut être qu’une politique d’affranchissement, de délivrance ; en présence du programme de Mürzsteg, elles accusèrent les Russes de les avoir abandonnées aux intérêts des Autrichiens et de l’expansion allemande. « La Russie a été jusqu’à présent le plus grand obstacle au règlement de la question macédonienne, » écrivait, dès 1902, le Mouvement macédonien, organe de Sarafof. Les Russes se rendent compte que leur long ressentiment contre la Bulgarie, leur opposition lors de la réunion de la Roumélie à la principauté, leur entente enfin avec les Autrichiens pour le statu quo balkanique, leur ont fait perdre une partie de la confiance qui montait spontanément du cœur des populations vers les vainqueurs de la grande guerre. Ils veulent retrouver leur prestige amoindri ; sur ce théâtre historique de leurs victoires militaires et diplomatiques, sur cette terre arrosée de leur sang, ils mettent leur point d’honneur à garder le premier rang ; ils ont renoncé à dominer directement sur la péninsule, mais ils veulent rester, pour les peuples qu’ils ont affranchis, des amis de la première heure et des protecteurs de toujours. M. Isvolski, dans son discours du 18 août, l’a affirmé avec force. Après tant d’années de rivalité, les Russes viennent de conclure un accord général avec l’Angleterre ; ils ont réglé avec elle leurs litiges séculaires en Asie : mais cette politique de paix est aussi une politique de renoncement. La Russie acceptera plus volontiers de devenir l’amie de l’Angleterre après avoir tant souffert par elle, si c’est, en définitive, sa politique slave qui profite de cette amitié : le résultat, alors, aura justifié la méthode.

Cette disposition des esprits en Russie explique le