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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/160

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Bojana. Il est certain qu’en tout cas un embranchement sera fait, par Scutari d’Albanie, pour rejoindre Antivari.

Ce tracé ne pénètre pas sur le territoire du Monténégro, si ce n’est par l’embranchement d’Antivari ; la malheureuse principauté, entourée par les nouveaux chemins de fer, ne serait traversée par aucun, elle verrait, sans en tirer profit, les courans du trafic international s’établir à côté d’elle, son existence déjà si précaire deviendrait presque impossible. Un chemin de fer lui apporterait la vie, la relierait avec les frères serbes du royaume ; aussi les Monténégrins préconisent-ils un tracé qui, de Kourchoumlié, se dirigerait tout droit sur Ipek, après avoir coupé à Vucitrn, un peu au Sud de Mitrovitza, la ligne des Chemins de fer orientaux. Ipek, l’ancienne métropole religieuse des Serbes, terrorisée par les Albanais musulmans, est aujourd’hui à peu près inaccessible aux étrangers. La voie ferrée franchirait par un tunnel de six kilomètres la haute barrière du Delick Mokra pour aboutir à la première station monténégrine, Andrievitza, et de là, par la vallée de la Moraca et les rives du lac de Scutari, à Antivari. Ce tracé a des avantages : il est plus court d’environ 50 kilomètres, il traverse des pays plus riches, tels que le bassin d’Ipek et la vallée de la Moraca, il passe à proximité des mines de lignite situées près de la frontière turco-monténégrine, enfin il traverse un pays slave et il ne sera exposé que sur une faible partie de son parcours aux attaques des Albanais. Les Monténégrins font valoir tous ces argumens en faveur du projet qui les favorise. Le prince de Monténégro vient de quitter son nid d’aigle de Cettigné pour des visites royales ; il est allé à Pétersbourg et, sans doute, il y a insisté auprès du Tsar dont le père, en un jour de désenchantement, le proclamait « l’unique ami de la Russie, » pour l’adoption du tracé Nord qui donnerait satisfaction aux intérêts vitaux du Monténégro et lui permettrait d’échapper à l’étau autrichien dont les deux branches s’allongent le long de ses frontières comme pour étreindre et absorber la principauté. Une autre question préoccupe les Monténégrins. Antivari, avec son port, leur appartient de par l’article 29 du traité de Berlin ; mais le même article donne à l’Autriche la commune de Spizza (ou Spica), dont le territoire domine Antivari, et lui concède la faculté d’exercer « un droit de police maritime et sanitaire, tant à Antivari que le long de la côte, au moyen de bâtimens légers garde-côtes : » c’est une hypothèque