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autriohienne sur le port monténégrin. Autre hypothèque, cette fois sur les chemins de fer : « le Monténégro devra s’entendre avec l’Autriche-Hongrie, sur le droit de construire et d’entretenir, à travers le nouveau territoire monténégrin, une route et un chemin de fer. » Entre les mains des forts, de telles hypothèques ont toujours été un moyen de prendre pied dans la maison des faibles. On peut croire que le prince Nicolas s’est entretenu aussi, à Pétersbourg, des limites et des conditions dans lesquelles l’Autriche peut exercer son droit. En tout cas, il a pris, pour orienter sa politique, pendant la crise qui commence, les directions et les conseils de son puissant ami russe.

Les Serbes attendent impatiemment la construction de la ligne Danube-Adriatique ; elle assurerait à leurs porcs, à leurs bœufs et à leurs pruneaux un débouché sur la mer Adriatique ; elle les aiderait à résister aux exigences de l’Autriche-Hongrie ; elle les relierait à leurs frères de la Vieille-Serbie et du Monténégro. Les Italiens, de leur côté, espèrent qu’un grand courant commercial s’établirait entre leur pays, les États danubiens et la Russie méridionale ; pour leurs vins, pour leurs fruits, pour leurs pâtes alimentaires et tous les produits de leur industrie grandissante, ils espèrent trouver un marché très avantageux dans les États balkaniques ; des services directs relieraient leurs ports avec le point terminus, quel qu’il soit, du chemin de fer ; ils attireraient ainsi une partie du trafic de la Russie méridionale, des pétroles et des blés de Roumanie, des produits agricoles serbes. Ils s’imaginent déjà voir leur pays servant d’intermédiaire entre l’Europe occidentale et l’Orient, drainant, par le Simplon, même les marchandises françaises, pour les acheminer, par Venise ressuscitée, vers Antivari et le Danube. Quelques publicistes italiens et même français ont été jusqu’à mêler la question du percement de la Faucille, qui n’a d’importance que pour Genève, avec celle du chemin de fer de l’Adriatique au Danube ! Ce qui est certain, c’est que cette ligne serait une voie de pénétration pour l’influence des Italiens dans l’Albanie dont ils cherchent depuis longtemps à entamer le particularisme irréductible, et dans les plaines macédoniennes où ils espèrent, un jour, jouer un rôle. « Un Latin, » dans un livre qui a faitjdu bruit, ne proposait-il pas de donner, à la Confédération des États balkaniques[1]

  1. Une Confédération orientale comme solution de la question d’Orient, par Un Latin, Plon, 1905.