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restait simplement la sauvegarde intrépide et dépourvue de scrupules du propre intérêt allemand. » C’est la raison pour laquelle Bismarck a imposé jusqu’à la fin ce secret, malgré l’avis du prince Antoine et du roi Guillaume[1]. Aucune argutie n’infirmera la sentence portée par le grand orateur Castelar sur cet acte de la vie de Prim : « Le général Prim a été l’instrument d’une intelligence sagace, machiavélique qui, s’appuyant sur un roi de droit divin qu’il dirige, entend réaliser la prépondérance de la Prusse en Allemagne et de l’Allemagne en Europe[2]. »

A l’ombre de ce mystère, en janvier 1870, Prim était gagné à la candidature Hohenzollern et il expédiait Salazar, muni de deux lettres d’introduction, parlementer avec Bismarck et, s’il le pouvait, avec le Roi.


IV

Salazar fut reçu sans difficultés par Bismarck puisqu’il était son agent. Maintenant que la première partie du complot était terminée par l’adhésion de Prim, il put raisonner avec lui des meilleurs moyens de la mener à bout en obtenant le consentement du Roi, ce qui entraînerait celui des princes de Hohenzollern. Mais il trouva la porte du Roi fermée. Guillaume, la lettre de Prim lue, ne voulut pas recevoir son envoyé et écrivit à Bismarck : « La lettre ci-incluse m’émeut comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Voici de nouveau une candidature Hohenzollern ! et pour la couronne d’Espagne ! Je n’en soupçonnais pas un mot. Je plaisantais, naguère, avec le prince |héritier sur la désignation antérieure de son nom, et tous deux en rejetions l’idée dans un même badinage. Comme vous avez reçu des détails du prince, nous en conférerons, bien qu’en principe, je sois contraire à la chose (26 février 1870)[3]. »

  1. « Le Roi regrette qu’on n’ait pas suivi l’avis exprimé d’abord par le prince de Hohenzollern qu’on devait au préalable s’assurer l’assentiment de la France. On ne l’a pas fait parce que le général Prim a demandé le secret, que le comte Bismarck a fait valoir que chaque nation était libre de choisir son roi sans consulter une autre nation. » (Notes sur la vie du roi Charles de Roumanie, 24 juin/6 juillet 1870.)
  2. Discours du 3 novembre 1870.
  3. Sybel, dont tout le récit est une déformation constante de la vérité, a dit que le Roi n’a au quelque chose de la négociation qui se poursuivait derrière son dos qu’après sa fin ; que, par conséquent, il n’a pas pu faire communication au comte de Bismarck de divers incidens, parce qu’il n’en avait pas eu connaissance lui-même (p. 252).