Dieu sait comment ils se dérouleront ! Nous devons les surveiller et nous tenir prêts, quels qu’ils soient, à y adapter nos intérêts. Tous nos vœux sont pour Abd-el-Aziz, qui est le sultan régulier, légal, internationalement reconnu, le seul actuellement avec lequel nous puissions traiter ; mais pouvons-nous faire pour lui plus que des vœux ?
L’Italie vient de remporter un succès politique dont il convient de la féliciter. Nous en avons remporté nous-mêmes un analogue, il y a quelques années, lorsque nous avons envoyé notre flotte à Mitylène pour obtenir de la Porte ottomane le respect des droits de nos nationaux : nous avons créé par là un précédent dont le gouvernement italien a usé à son tour, et qui lui a réussi, comme à nous. La Porte, malheureusement pour elle, n’a pas de marine qui lui permette de résistera une manifestation navale : quelques vaisseaux suffisent pour s’emparer d’un point maritime de son territoire, par exemple d’une ou de plusieurs îles de l’Archipel. Dans ces conditions, elle ferait bien de ne pas opposer une fin de non recevoir absolue à une réclamation légitime. Si la réclamation ne l’était pas, la Porte pourrait tout de même être obligée de céder, mais elle aurait pour elle la sympathie de l’Europe : ces forces impondérables et pourtant efficaces, dont on a parlé si souvent, s’exerceraient en sa faveur et peut-être, un jour ou l’autre, lui vaudraient quelque retour de fortune. Il n’en est pas de même si la réclamation qu’elle repousse est légitime, et celle de l’Italie l’était : en tout cas, les grandes puissances étaient fondées à la regarder comme telle, puisque l’Italie, qui est l’une d’entre elles, demandait ce qu’elles avaient obtenu les premières et ce qu’elles regardaient comme un droit ; il s’agissait effectivement de l’ouverture de bureaux de poste italiens dans des villes où elles en ont elles-mêmes. C’est un droit qu’elles tirent des capitulations et de la tradition : elles ne pouvaient pas trouver mauvais que l’Italie demandât à en profiter.
L’Angleterre, la France, l’Allemagne, ont des bureaux de poste en pays ottoman : c’est un fait, la Porte l’accepte ou s’y résigne. Et sans doute il est naturel qu’elle fasse son possible pour en empêcher la multiplication ; mais, sa force de résistance étant ce qu’elle est, il aurait été plus prudent de sa part de ne pas opposer à la demande du Cabinet de Rome un veto qu’elle devait retirer à la première menace d’une démonstration militaire. La menace a pris d’ailleurs tout de suite, du côté italien, un caractère extrêmement sérieux. Il semble que l’Italie ait été bien aise d’avoir une occasion de déployer, dans