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refuse. Le Roi ne veut pas ordonner ; Fritz refuse. Le prince Antoine télégraphie cette décision à Lothar à Madrid et il écrit mélancoliquement à son fils Charles de Roumanie : « Un grand moment historique est passé pour la maison Hohenzollern, un moment comme il ne s’en est jamais présenté, comme il n’en reviendra plus jamais. »


VI

Lothar Bucher et Versen arrivèrent à Madrid au lendemain d’une crise qui paraissait avoir à jamais disloqué la candidature tenace de Montpensier. Un événement malheureux venait d’accroître son impopularité. Don Enrique de Bourbon l’avait violemment attaqué dans un factum. Un duel s’ensuivit. Enrique reçut deux balles au front et fut tué (12 mars). Dans de pareils cas, la coutume reçue était que les témoins déclarassent devant le juge que la victime s’était tuée par accident, en essayant un pistolet ; le meurtrier évitait ainsi les peines édictées par la loi. Les témoins du duc firent cette déclaration et une ordonnance de non-lieu fut prononcée, mais le duc ne voulut pas s’en contenter. Il préféra être jugé. Il le fut, en sa qualité de capitaine général, par un conseil de guerre présidé par Izquierdo, son ami particulier, son chaud partisan, et il fut condamné à un mois d’exil à dix lieues de Madrid et à 25000 francs d’amende. On avait ainsi espéré calmer l’irritation populaire, mais ce fut en vain : pour le peuple, Montpensier n’était plus que le fratricide.

La dislocation du ministère libéral de conciliation, dans lequel figuraient Topete et quelques amis du duc, avait entraîné une nouvelle déroute de sa candidature. La discorde, dès le premier jour, s’était établie dans ce ministère, et la rupture se produisit dans la nuit du 48 au 19 mars, la nuit de la Saint-Joseph, à propos de mesures financières contre lesquelles les Unionistes se prononçaient. Prim, d’un ton altier, dit : « Je prends Dieu à témoin que j’ai tout fait pour éviter la rupture. Les conseils, les supplications, rien ne m’a servi. Ils m’offrent la bataille ; il ne me reste qu’à dire : « Radicaux, à la rescousse ! serrons-nous. Qui m’aime, me suive ! » À ces mots, son ami, le général Milan del Bosh, se jette dans ses bras. Izquierdo, commandant de la province de Madrid, lui crie : « Général, au scrutin d’abord, puis à cheval, s’il le faut. » Mais Topete quitte le banc des