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LE PLĚBISCITE


I

Lorsque l’Empereur fut résolu à accomplir la réforme constitutionnelle dans son intégralité, avant de m’écrire la lettre officielle annonçant ses intentions il me demanda de consentir à en causer devant lui avec Rouher, dont le concours nous était indispensable à cause de sa qualité de président du Sénat. J’acceptai. Ce jour-là, comme l’Empereur était malade et qu’il y avait urgence, il nous reçut dans sa chambre à coucher, et ce fut au pied de son lit qu’eut lieu notre conférence. Il me posa quatre conditions : 1° Le respect dans toute leur vigueur des droits d’appel au peuple entre ses mains. 2° Le maintien de l’article 33 ainsi conçu : « En cas de dissolution du Corps législatif, et jusqu’à nouvelle convocation, le Sénat, sur la proposition de l’Empereur, pourvoit par des mesures d’urgence à tout ce qui est nécessaire à la marche du gouvernement. » 3° Le refus de toute discussion au Corps législatif, préalablement au vote du sénatus-consulte. 4° La renonciation à toute idée de plébiscite. « Le prince Napoléon, dit-il, m’a écrit ce matin une longue lettre pour m’en conseiller un, mais je n’en veux pas. »

Sur la première condition il n’y eut aucun désaccord. Sur l’article 33, Rouher fut de l’avis de l’Empereur et conseilla énergiquement de le maintenir. Au contraire, il lui parut impossible de refuser la discussion au Corps législatif, et il jugea un plébiscite indispensable : « Sans cela, notre constitution resterait en l’air sans aucun fondement légal. D’ailleurs, on pourrait tirer de cette consultation populaire un accroissement de la force