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dynastique en la faisant porter sur l’adjonction au trône du Prince impérial. » C’était une manière ingénieuse d’enlever à notre œuvre libérale la consécration populaire en la noyant dans une question dynastique. L’Empereur ne me laissa pas le temps d’écarter cette combinaison insidieuse. Il le fit spontanément et persista à repousser le plébiscite, même ainsi dynastisé. Je reconnus à mon tour que le plébiscite était juridiquement une nécessité inévitable, quels qu’en fussent les risques ; néanmoins, si l’Empereur était décidé à n’y pas recourir, je présenterais la réforme sans cette clause. « Notre constitution nouvelle sera un peu en l’air, il est vrai, mais c’est souvent ce qui est illogique qui dure le plus. Nous ferons une monarchie parlementaire en présence d’un plébiscite fait contre elle. Ce serait embarrassant si l’opposition avait intérêt à se servir de cette contradiction, mais elle ne se soucie pas plus de plébiscite que Votre Majesté ; la majorité ne le réclamera pas et nous vivrons en paix dans notre illogisme. Quant à refuser la discussion, je le tenterai, mais je ne peux pas promettre à Votre Majesté qu’à un moment donné le Corps législatif ne me l’imposera pas. » Le respect de l’article 33 me parut moins acceptable : il y avait là comme un air de réserve en vue d’un futur coup d’État qui alarmait l’opinion, et, certes, mes collègues n’y accorderaient pas leur assentiment.

Nonobstant mes observations, je reçus le lendemain la lettre suivante : « Monsieur le ministre, Je crois qu’il est opportun, dans les circonstances actuelles, d’adopter toutes les réformes que réclame le gouvernement constitutionnel de l’Empire, afin de mettre un terme au désir immodéré de changement qui s’est emparé de certains esprits, et qui inquiète l’opinion, en créant l’instabilité. Parmi ces réformes, je place au premier rang celles qui touchent à la Constitution et aux prérogatives du Sénat. La Constitution de 1852 devait, avant tout, donner au gouvernement le moyen de rétablir l’autorité et l’ordre ; mais il fallait qu’elle restât perfectible, tant que l’état du pays n’aurait pas permis d’établir sur des fondemens solides les libertés publiques. Aujourd’hui que des transformations successives ont amené la création d’un régime constitutionnel en harmonie avec les bases du plébiscite, il importe de faire rentrer dans le domaine de la loi tout ce qui est plus spécialement d’ordre législatif, d’imprimer un caractère définitif aux dernières réformes, de placer