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2° Le Domaine de la Couronne, d’une étendue de 289 375 kilomètres carrés (environ dix fois la superficie de la Belgique) ; situé dans la plus riche région du Congo, il a été détaché du domaine privé en 1896, ainsi qu’on l’a appris, six ans plus tard, par le Bulletin Officiel. Les décrets qui l’ont doté lui donnent, en outre, le droit de prendre, dans le territoire de l’Etat, six mines à son choix. Administré par un comité de trois membres que désigne le souverain, il a constitué jusqu’au 5 mars dernier, une personne civile. Nul ne savait ce qui se passait dans ce mystérieux domaine où il n’y avait ni missionnaire, ni magistrat. Les revenus, montant à 8 ou 9 millions, d’après les uns, à 4 ou 5 seulement, d’après les autres, devaient être employés, suivant les expressions de M. de Smet de Nacyer (chef du cabinet belge de 1899 à 1907) à créer ou subsidier (sic), même après le décès du Roi-Souverain, des œuvres, des travaux et des institutions d’utilité générale, tant en Belgique qu’au Congo. Ces revenus ont servi à élever de somptueux monumens, tels que l’Arcade du Cinquantenaire à Bruxelles, à entretenir les serres de Laeken et à payer de nombreuses subventions à la presse.

3° Les terres concédées à de grandes compagnies commerciales, la Compagnie du Kassaï, le Comptoir commercial, la Mongala, l’Abir, etc. Les excès auxquels se sont livrés les agens de la Mongala et de l’Abir ont été tels que, sous la pression de l’opinion publique, l’Etat a dû en reprendre l’exploitation (12 septembre 1906), dans des conditions d’ailleurs très favorables à ces deux puissantes sociétés. Celles-ci ont encaissé des bénéfices énormes. Les actions de la Mongala, émises à 500 francs, ont rapporté jusqu’à 1 000 francs, et les actions de l’Abir jusqu’à 2 400 francs en un an. C’était donc une affaire merveilleuse pour les actionnaires. Principal intéressé dans ces Compagnies, le souverain leur a délégué le droit d’exiger des indigènes l’impôt en travail, et c’est un des principaux griefs soulevés contre l’Etat indépendant. L’administration avait omis de déterminer la nature et le taux de ces prestations, ainsi que les moyens de contrainte à employer pour leur recouvrement. On devine le résultat. Un décret en date du o décembre 1892 (non publié au Bulletin Officiel) ayant chargé le secrétaire d’Etat « de prendre toutes les mesures qu’il jugera utiles ou nécessaires pour assurer la mise en exploitation des biens du domaine public, » les agens se crurent tout permis pour faire rentrer l’impôt. Nul