contrôle n’était exercé sur eux. Ils fixaient eux-mêmes le taux des prestations et en opéraient le recouvrement comme ils l’entendaient, souvent par les moyens les plus barbares et les plus iniques : « ils avaient un intérêt direct à en accroître le rendement puisqu’ils recevaient" des primes proportionnelles à l’importance des produits récoltés[1]. » A vrai dire, le travail fourni par les indigènes était rétribué, mais d’une façon absolument arbitraire : « parfois même ils étaient payés en marchandises n’ayant guère de valeur dans la région. » Il y eut d’incroyables abus ; enfin, en 1903, un désaccord étant survenu entre l’administration et le tribunal de Borna, celui-ci déclara que « dans l’état de la législation, nul ne pouvait forcer les indigènes au travail. » Cette décision amena le gouvernement à établir un régime fiscal uniforme pour tout le territoire. Le décret de 1903 oblige tout indigène adulte et valide à fournir des prestations en travaux qui ne peuvent excéder, au total, une durée de 40 heures effectives par mois. Ces travaux sont rémunérés, et « cette rémunération ne pourra être inférieure au taux réel des salaires locaux actuels. »
L’impôt est perçu, suivant les régions, soit en vivres : chikwangue (pain de manioc, principal aliment du pays), poisson, produits de la chasse, animaux domestiques ; soit en corvées : coupes de bois, portage, pagayage ; soit en produits du domaine : arachides, copal, surtout caoutchouc. Il y a aussi des districts comme celui du Kassaï où l’impôt se paie en croisettes (barres de cuivre en forme de croix de Saint-André).
Le décret de 1903 apparut d’abord comme un réel progrès, au point de vue humanitaire, sur la législation ou plutôt sur l’absence de législation antérieure. Il allait mettre un terme, pensait-on, à l’arbitraire pratiqué, jusqu’alors, par les agens de l’Etat. Or, à peine ce décret était-il lancé qu’une circulaire du gouverneur général, en date du 29 février 1904, faisait savoir aux commissaires de district que « l’application de la nouvelle loi sur les prestations devait avoir pour effet, non seulement de maintenir les résultats acquis pendant les années précédentes, mais encore d’imprimer une progression constante aux ressources du Trésor. » La conséquence fut que, dans certaines régions surtout, les noirs ont continué à être surchargés de travail ; ils
- ↑ Rapport de la Commission d’enquête, p. 165.