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auxquelles ils veulent chercher noise. Ce qui les indigne, aujourd’hui, disait-on, ce ne sont pas les abus et les « atrocités » qu’ils dénoncent avec tant de fureur, mais bien la pensée que le caoutchouc et l’ivoire du Congo sont entre d’autres mains que les leurs et que le marché d’Anvers supplante ou contre-balance, pour ces produits, le marché de Liverpool.

Tandis que la polémique se poursuivait sur ce ton, le consul anglais à Boma, M. Robert Casement, fut chargé par son gouvernement de procéder à une enquête dans le Haut-Congo ; il en résulta la publication d’un rapport qui confirmait la plupart des critiques adressées à l’État indépendant. Ce rapport fit sensation non seulement en Angleterre, mais en Allemagne, en Italie et aux États-Unis ; le Congrès international de la paix, siégeant à Boston, demanda que l’État indépendant fût déféré devant la Cour d’arbitrage de la Haye. De tous les côtés, des pétitions se signaient… Sous la poussée de l’opinion, le roi Léopold, par un décret du 23 juillet 1904, nomma, à son tour, une Commission d’enquête composée de trois membres : M. Edmond Janssens, avocat général à la Cour de cassation de Belgique, le baron Nisco, Italien, président par intérim du tribunal de Borna, et le docteur de Schumacher, conseiller d’État et chef du département de la justice du canton de Lucerne. Ces commissaires, choisis par le Roi lui-même, ne pouvaient qu’être bien disposés pour son administration. Néanmoins, on chercha tout de suite à restreindre leurs, pouvoirs, en décidant que l’enquête serait faite conformément aux instructions du secrétaire d’État. Devant les clameurs que souleva cette disposition, le gouvernement se vit obligé de la retirer et de conférer aux enquêteurs « des pouvoirs sans limites pour recevoir tous témoignages quelconques. »

La Commission, partie en septembre 1904, employa quatre mois à visiter, entre Boma et Stanleyville, une partie du territoire congolais relativement peu étendue, mais fort importante au point de vue du rendement en caoutchouc.

Elle était de retour à Anvers au commencement de mars 1905. Trois mois plus tard, son travail était achevé et remis au gouvernement qui… le garda dans ses tiroirs. On célébrait à ce moment les fêtes du Cinquantenaire : il ne fallait pas les troubler ! Ce fut seulement le 5 novembre, que le rapport parut dans le Bulletin Officiel de l’État. L’effet fut formidable. Quelque atténués, peut-être un peu remaniés, qu’en soient les termes,