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propriétaire d’un territoire de 16 millions d’hectares, — plus de cinq fois la superficie de la Belgique ! — Les Chambres, pour parer au péril, votèrent une somme de 6 850 000 francs destinée tout à la fois à rembourser le banquier anversois et à couvrir l’insuffisance des ressources budgétaires du Congo. Enfin, en 1901, le Parlement déclarait abandonner le recouvrement des avances qu’il avait consenties, à moins cependant que la Belgique ne renonçât à l’annexion projetée. Cette question de l’annexion qui avait déjà été posée sans succès en 1895 et qui aurait dû être résolue définitivement en 1901, fut encore ajournée : le souverain ne jugeait pas le moment propice, mais il confirma, par une lettre officielle à M. Wœste, les droits acquis à la Belgique en vertu du testament royal de 1889 et de la Convention intervenue, en 1890, entre l’Etat belge et l’Etat indépendant.

On conçoit donc l’étonnement des sujets de Léopold à la lecture de la lettre où, non content de repousser fièrement toute ingérence étrangère, — ce qui ne pouvait que flatter l’orgueil national, — le Roi déclare le Congo son bien propre et s’attache à « rectifier les fausses notions juridiques que d’aucuns répandent sur la situation de droit et de fait de l’Etat indépendant. »


La Belgique a bien voulu m’aider de ses deniers dans quelque mesure. Mais le soin de constituer le nouvel État m’a incombé exclusivement. Le Congo a donc été et n’a pu être qu’une œuvre personnelle. Mes droits sur le Congo sont sans partage ; ils sont le produit de mes peines et de mes dépenses. Vous devez ne pas cesser de les mettre en lumière, car ce sont eux et eux seuls qui ont rendu possible et légitime mon legs à la Belgique. Ces droits, il m’importe de les proclamer hautement, car la Belgique n’en possède pas au Congo en dehors de ceux qui lui viendront de moi. Si je n’ai garde de laisser péricliter mes droits, c’est bien par patriotisme et parce que, sans eux, la Belgique serait absolument dépourvue de tout titre.


À cette déclaration le Roi joignait une clause par laquelle la Belgique, si elle voulait entrer en possession de sa colonie, devait s’engager à respecter à tout jamais la fondation du Domaine de la Couronne et l’établissement du Domaine national, « à ne diminuer par aucune mesure l’intégrité de ces institutions sans leur assurer en même temps une compensation équivalente. »

Les précautions prises par le souverain « pour mettre à l’abri contre tout gaspillage et tout pillage, le patrimoine du Congo, » montrent à quoi point il se méfie de la façon dont la colonie sera administrée quand il ne se trouvera plus au gouvernail pour