la diriger suivant ses vues ; c’est pourquoi il a toujours cherché à retarder le plus possible l’heure de l’annexion.
Seuls, disait-il dans sa lettre, les adversaires du Congo poussent à une annexion immédiate. Ces personnes espèrent sans doute qu’un changement actuel de régime ferait chavirer l’œuvre en cours de progrès et leur permettrait de recueillir de riches épaves.
Ce langage provoqua de vifs commentaires. Le Roi, en léguant le Congo à la Belgique, avait solennellement déclaré que, même de son vivant, le pays pourrait s’annexer l’Etat indépendant avec les biens, droits et avantages attachés à la possession de cet État, ajoutant « qu’il refusait expressément toute indemnité du chef des sacrifices qu’il s’est imposés. » Avait-il le droit, seize ans plus tard, de subordonner son legs à des conditions aussi onéreuses ? Tout testament est un acte révocable, mais le testament de 1889 a été suivi d’un engagement contractuel entre le Roi et la nation qui lie également les deux parties. D’ailleurs, l’entreprise du Congo a été réalisée par Léopold II, roi des Belges ; elle n’aurait pu l’être par Léopold de Saxe-Cobourg.
La pérennité du Domaine de la Couronne, puissance formidable aux mains du Roi, soulevait, en particulier, des objections qui furent longuement développées par des orateurs, tant de la droite que de la gauche, quand se rouvrit, à la Chambre, le débat sur le Congo en novembre 1906. Les ministres répondirent en s’étonnant de voir manifester tant d’ingratitude envers l’auguste donateur auquel on méconnaissait le droit de se réserver une propriété privée dans l’immense ; territoire légué à la Belgique ; et cette propriété, il se la réservait, non pour en profiter, mais pour doter le pays de fondations utiles et de beaux monumens ! Les défenseurs de la Couronne rappelaient l’exemple du duc d’Aumale qui, en donnant Chantilly à l’Institut de France, a grevé son legs de nombreuses obligations artistiques, littéraires et charitables. Pourquoi ne serait-il pas permis au roi des Belges d’en faire autant ? Les contradicteurs répliquèrent qu’il est impossible de comparer un pareil legs, si important soit-il, à une fondation comme le Domaine de la Couronne. D’ailleurs, le duc d’Aumale, en grevant son legs de différentes obligations, laissait à l’Institut des ressources plus que suffisantes pour entretenir richement le musée de Chantilly. Le Congo, au contraire, a peine à se suffire à lui-même. Dès lors, comment