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c’est M. Mayer avec le Portrait du peintre Louis Tinayre ; c’est M. William Laparra, avec son Portrait de Mme Y. J. L… Toutes ces effigies tranchent nettement sur la foule des figures ingrates qui font tapisserie dans tous les coins du Salon et elles s’avancent au premier plan du souvenir. Il faut y joindre, aussi, le Portrait du docteur Favre et le portrait de femme intitulé Le Voile gris, par M. Frédéric Lauth et la figure intitulée Méditation par M. Maxence (salle 5, n° 1251), figure d’un dessin et d’un modelé dignes des plus grands maîtres et qui a toute la définition d’un portrait avec tout le charme d’une apparition. Mais aucune de ces joies n’est une surprise. Nous savons, d’expérience certaine, que nos peintres font bien le portrait.

Nous savons, aussi, et d’expérience non moins décisive, qu’ils échouent dans la grande peinture, je veux dire dans la peinture de grandes dimensions, et si nous en doutions, ils ont pris, cette année, le soin de nous ôter toute incertitude. Rarement les « grandes machines » furent si dignes de ne pas être, ni les choses « décoratives » moins propres à embellir quoi que ce soit. On ne sait quel brouillard multicolore sans clarté ni fraîcheur a passé, cette année, entre les yeux des peintres et la nature, pour qu’un maître tel que M. Détaille, par exemple, ait imaginé à ses canonniers l’atmosphère plâtreuse et violâtre où ils se meuvent dans Le Chant du Départ, ou que M. Roll, excellent coloriste parfois, ait conçu ce rêve de Sorbonne : Vers la Nature pour l’Humanité… C’est la couleur encore qui perd la grande composition de M. Courtois, ce Paradis perdu, ingénieusement destiné, s’il faut en croire le livret, à une salle de mariage et enfin cette Guinguette de M. Veber, pourtant pleine d’observation, de mouvement et de vie. Qu’on traduise tout cela en blanc et en noir, et les qualités de ces œuvres paraîtront. Les canonniers qui marchent sur nous, poussant leurs pièces, témoigneront de l’admirable dessin de M. Détaille autant que de leur hâte patriotique ; les gens de M. Véber n’ignoreront rien de « l’art de s’amuser en société » dans une fête où la plus franche cordialité ne cesse de régner, et l’on sentira que nos conseillers municipaux furent bien inspirés en commandant au peintre, pour entretenir leur zèle démocratique, cette fidèle image du peuple souverain. Il paraît, en effet, qu’ils ont voulu l’avoir sans cesse sous les yeux. Elle décorera la buvette à l’Hôtel de Ville.

Quant au panneau destiné à la Sorbonne, que M. Henri