Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus frappant est celui des constellations, — la Croix, le Chariot, le Scorpion, par exemple, — que l’esprit humain a fabriquées avec ce qu’il y a de moins linéaire au monde : le ciel étoile. Le « point, » au contraire, qu’une certaine école a voulu substituer à la « ligne, » n’est aisément perceptible qu’au sens du toucher, et de même que le toucher le plus, sensible s’embrouille et se perd dans une combinaison de lignes, de même la vue la plus perçante s’embrouille dans une combinaison de points et s’y perd. Il y a là un rapport du signe à l’objet qu’il n’est pas au pouvoir de l’artiste le plus « individualiste » et même le plus génial de changer, à moins qu’il ne change, du même coup, notre physiologie. Et si tracer des lignes est une convention dans l’Art, c’est au même degré que, dans la vie, se pencher pour marcher ou s’étendre pour dormir.

Or le trait synthétique a un double rôle : il prête aux formes des objets une continuité qu’elles n’ont pas, et il supprime les détails, les plans, les masses même que l’esprit peut supposer sans que l’œil les perçoive. De là, un plaisir double pour le regardant, si l’artiste est un vrai maître du dessin : le plaisir de voir plus clairement défini le caractère principal d’un paysage ou d’une figure et le plaisir d’en deviner tout le reste. On peut en voir des exemples frappans avenue d’Antin, aux petites salles du rez-de-chaussée, dans les eaux-fortes de M. Dauchez, intitulées Panfret (n° 2186), Hutte à Mousterlin (n° 2183) et Chaumière au Guilvinnec (n° 2184) et, au Salon des Champs-Elysées, sur le balcon du grand hall, dans les eaux-fortes de M. Joseph Pennell : Le plus pittoresque endroit du monde et la Chimère de Notre-Dame (le Stryge n° 4567). De même, avenue d’Antin, les figures de M. Chahine, les paysages de M. Béjot, celui de M. Black, montrent tout ce que quelques traits bien dirigés peuvent signifier à l’imagination de choses vastes et lointaines. Quant aux cinq eaux-fortes de M. Henri Rivière, dignes de ce maître de l’Estampe, — paysages de Bretagne, — elles arrivent à donner la sensation des différentes valeurs, des profondeurs et du relief des choses, comme la peinture à l’huile la plus savoureuse ou la gouache la plus chargée. Mais on a le plaisir de les découvrir, car le procédé nous suggère tout sans nous imposer la fatigue de rien entendre expliquer.

L’autre domaine propre à l’estampe est la couleur. Là, encore, c’est M. Henri Rivière qui, le premier, a donné les meilleurs