Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers Toulon, livré par les royalistes à l’Angleterre où « il trouverait un établissement solide, » affirmait gravement le roi d’Espagne. Ces princes, — de Pétersbourg à Madrid, — avaient des formules malheureuses : le Régent eut raison de « se hâter lentement, » ainsi que le conseille la sagesse : « l’établissement solide » s’écroulait sous les obus de l’armée républicaine, plus particulièrement sous les boulets de cette batterie des Hommes sans Peur que dirigeait le petit commandant Bonaparte.

Louis avait d’ailleurs bien fait de ne pas affronter les projectiles du commandant Bonaparte, car il allait devenir non plus seulement le « dépositaire du pouvoir, » — la formule prête à sourire, — mais le vrai chef de la maison de France. C’est à Vérone que, le 21 juin 1794, il apprenait la mort de Louis XVII. Dès le 24, « Louis XVIII, roy de France et de Navarre, » notifiait aux cours de l’Europe son « avènement au trône. » Dans la note destinée à Rome, le Roi prenait l’engagement de « faire fleurir la religion catholique, apostolique et romaine dans son royaume. »

Comment y rentrer ? Dès cette époque, toutes les combinaisons étaient examinées avec une égale ardeur. L’optimisme de Louis XVIII fut, vraiment, durant ces vingt-trois années d’exil, admirable. Il ne se démentit point, nourri par des illusions tenaces et sans cesse renaissantes. Il avait à peu près écarté l’idée de rentrer en vainqueur à la tête des armées étrangères, le drapeau fleurdelisé déployé. Et quant à l’idée qu’une assemblée pourrait un jour lui offrir la couronne, il l’agréait bien, mais à la condition formelle que cette couronne lui fût « rendue, » écrivait-il à Artois, et non « donnée. » « Tu sens bien la distinction, ajoutera le Roi, et pourquoi j’ai mis Louis XVIII, successeur de Louis XVII. Ces numéros sont des actes conservatoires. » Au fond, l’entourage du Roi répugnerait presque à le voir rappelé par une assemblée : ces gens-là sont les derniers auxquels on aimerait être redevable du trône. On préférerait une bonne insurrection couronnée de succès ou quelque coup d’État fait par un Monk. On paierait de quelques brevets et dotations l’heureux insurgé ou le hardi soldat qui « rendrait » le trône au Roi : cela vaudrait mieux que de passer sous les fourches caudines d’une Assemblée.

Dès les premières heures, quelques mouvemens dans le Midi, la formation du camp de Jalès, avaient éveillé des espoirs ; puis,