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déçu de ce côté (une fois de plus le soleil du Midi avait entraîné les émissaires de Jalès à quelque galéjade), on avait appris l’insurrection plus sérieuse de la Vendée. Du reste aucun détail : le bruit court qu’il y a là un grand chef, M. de Gaston. Ce M. de Gaston, parfaitement inconnu et dont le d’Hozier ne donnait point le nom, occupa fort les Cours en exil. Que de lettres échangées au sujet de ce personnage ! À dire vrai, ce qui inquiète les princes, n’est point de savoir si « M. de Gaston » est un chef entreprenant, mais s’il n’est point entaché de quelque constitutionalisme. Un jour M. de Gaston s’évanouit : Cathelineau, Stofflet, La Rochejaquelein, Lescure se battaient au Bocage, mais de M. de Gaston point. Et il parut prouvé qu’on avait un instant en rêve confié le rôle de restaurateur du trône à un héros mythique. D’ailleurs, après les succès que l’on sait, l’insurrection vendéenne s’affaissait : elle allait constituer au flanc de la République une plaie que les émissaires royalistes peuvent de temps à autre aviver, mais qui ne sera point mortelle. On perdit à la longue l’espoir de voir Charette entrer en triomphateur à Paris ; du reste, ce fils de paysan, rude partisan, ne plaisait guère aux beaux seigneurs de l’entourage des princes, dont il soulignait l’inaction honteuse quand il ne la stigmatisait point durement.

Restait Monk ! On en rêva de 1792 à 1814, sans se lasser : il fut civil ou militaire, de préférence militaire : Dumouriez, Pichegru, Moreau, Berthier, Bonaparte, Bernadotte, entre temps Barras, et même quelques généraux sans importance, Willot et Beauregard. Si intransigeans sur les principes, les princes et leur entourage eussent accepté des concours singuliers. Plus qu’une Chambre modérée, ils eussent agréé un général mécontent ou quelque régicide repenti : le jour va venir où Louis XVIII saluera « notre ami et féal Paul, vicomte de Barras. » On ne rejettera aucune offre, même celle des escrocs qui, se disant grands amis de tel leader influent ou de tel général ambitieux, extorqueront quelques louis au Roi et disparaîtront. Et il fallait bien « porter toute son attention sur l’intérieur du royaume, » car l’Europe décidément était hostile aux « prétentions absurdes » de la « cour de Vérone. » Cobenzl n’écrivait-il pas à Pétersbourg, afin de décourager Catherine, qu’ « il ne fallait pas qu’on se flattât qu’on pût remettre un Bourbon sur le trône de France. L’opinion, ajoutait-il, est trop contraire à cette maison. »