Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/448

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

ÉMILE GEBHART

Est-il vrai qu’il y ait aujourd’hui dans les régions de notre haut enseignement une sorte de défaveur attachée à tout ce qui porte la marque de la littérature ? Ce mot est-il exact qu’on prête à un professeur de la Sorbonne : « Ici, nous n’avons pas besoin de gens de talent ? » Ce propos, s’il a été tenu, et sans doute cum grano salis, témoignerait tout au plus d’une espèce d’enivrement où l’on est, à l’heure actuelle, pour des méthodes de caractère scientifique, très précieuses assurément, mais qui ne sont pas le tout du professeur. On en reviendra. J’entends par là que, sans rien laisser perdre des acquisitions nouvelles, on reprendra plus nette conscience de l’ensemble de mérites qui constitue notre tradition. Qu’il enseigne l’histoire, les lettres ou la philosophie, un maître de chez nous doit être d’abord un érudit ; ce qui revient à dire qu’il doit savoir son affaire et ne parler que de ce qu’il connaît bien. Cela va de soi, et c’est comme si on lui recommandait de ne pas être un malhonnête homme. L’érudition sera chez lui vivifiée par une abondante éclosion d’idées : ces aperçus nouveaux, ces hypothèses ingénieuses, ces façons originales de grouper les faits et d’en montrer l’enchaînement témoignent d’un esprit actif qui ne se borne pas à emmagasiner les matériaux reçus du dehors, mais qui y ajoute un élément venu de lui-même et pareil à un levain. Faits et idées, il reste ensuite à les disposer dans un ordre logique, en vue de former un tout harmonieux, et à leur trouver une expression qui en reproduise toutes les nuances ; l’art