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La seconde ne pouvait prolonger ces spectacles d’horreur : les nerfs, du public n’y auraient pas résisté. Toutefois le ton était donné. Sous peine de nous paraître fade par la comparaison, le nouveau drame devait être fait de situations violentes. Notons au passage les principales de ces situations.

Quinze années se sont écoulées. La fille de la victime, Simone, qui à l’époque du drame avait six ans, en a maintenant vingt et un. On a réussi à la tenir dans l’ignorance absolue des circonstances où est morte sa mère et qui d’ailleurs ne se sont pas ébruitées, et Sergeac a mis sa coquetterie à l’élever dans le culte de cette mère indigne. Simone est une grande fille qui aime bien son papa. Elle l’aide dans des travaux archéologiques. Elle l’appelle « Patron ! » ce que je ne trouve pas d’un goût excellent ; mais il ne faut pas raffiner sur ce genre de gentillesses en famille. Ce calme ne pouvait durer toujours. Une échéance fatale approche : celle du mariage de Simone. Le secret maintenant va sortir de la tombe. Sergeac à plusieurs reprises le verra se dresser devant lui. Et comme le spectre de Banquo apparaissant à Macbeth, cette résurrection du passé le jettera chaque fois dans une crise d’affolement.

Aussitôt il perdra la tête : ses actions, ses paroles, — au rebours de tout bon sens et de toute justice, — seront d’un homme qui n’a plus la possession de soi. C’est le sens des deux scènes capitales du second acte. L’une avec M. Mugnier, père du jeune homme qui aime Simone et en est aimé. Par des faux-fuyans et des échappatoires, celui-ci fait comprendre à Sergeac qu’il s’oppose au mariage. Aussitôt Sergeac s’emporte et injurie, ou peu s’en faut, son interlocuteur. Cet emportement ne se justifie guère. On nous dit que ce M. Mugnier a mené son enquête matrimoniale par des moyens d’une correction douteuse ; c’est possible et c’est fâcheux ; mais, bon Dieu ! on a bien le droit de connaître le secret d’une famille où votre fils va entrer, et Sergeac sait mieux que personne qu’il est fait bonne garde autour de ce secret. S’il songeait un seul instant au bonheur de sa fille, Sergeac donnerait tout de suite à Mugnier père l’explication qu’il fournira tout à l’heure à Mugnier fils, et qui remettrait les choses au point. Mais la première impulsion a été la plus forte. — L’autre scène est celle du père et de la fille. Simone, elle aussi, a bien le droit de savoir pourquoi son mariage est soudainement brisé. Sergeac se trouble, balbutie des excuses, laisse échapper le mot de pardon. C’en est tout juste assez pour mettre la jeune fille sur la voie.

Au troisième acte, nous apprenons qu’elle a questionné la vieille