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que je dus faire le lendemain pour neutraliser la mauvaise impression qu’elle avait faite sur cet homme distingué, je réussis encore à ce que les négociations se poursuivissent. Alors arriva un autre envoyé, et certes, c’est bien là ce qu’on peut appeler une fatalité ! Ce fut au moment des événemens de Gracia, de Sans et de Barcelone. (Rumeurs plus fortes.) Il se trouva à Madrid au moment de ces faits déplorables et partit profondément impressionné. Je voulus lui expliquer ce que c’était ; mais, en voyant s’assombrir son front, je compris que je ne l’avais pas convaincu. Le résultat fut que, quinze jours après son départ, je reçus une réponse qui n’était pas consolante ; elle était conçue dans des termes très bienveillans, pleins de respect pour la nation espagnole, mais déclarait que le prince ne pouvait accepter en ce moment (por el momento) la couronne d’Espagne. »

Tout ce récit était un arrangement de comédie. Il n’y avait pas eu deux envoyés prussiens venus successivement, mais deux venus ensemble, Versen et Lothar Bûcher. Ni l’un ni l’autre n’avait assisté à la scène de la Saint-Joseph (le 19 mars), puis- qu’ils n’arrivèrent qu’au commencement d’avril. Ils n’étaient pas partis en portant à Berlin un rapport négatif ; au contraire, leur rapport était, comme disait le roi de Prusse, couleur de rose. Il était vrai seulement que les négociations avaient été rompues malgré le rapport, non à cause de lui, par suite de l’absence de Bismarck et des répugnances du Roi.

Prim continua : « Le gouvernement a résolu d’en référer aux Cortès et de les faire arbitres de la question. Le ministère n’a pas été heureux ; il n’a pas de candidat à vous présenter pour la couronne ; il n’en a pas du moins quant à présent ; mais l’aura-t-il demain ? C’est ce que je ne saurais dire. Seulement, je puis vous déclarer que le gouvernement est animé des mêmes sentimens que les députés monarchistes et qu’assurément toute chance de trouver un monarque n’est pas perdue. Sans pouvoir fixer d’époque, sans vouloir préciser un jour, nous continuerons de traiter la question avec prudence et sagesse jusqu’à ce qu’on puisse vous présenter un candidat capable de réunir en sa faveur l’opinion générale. » C’était encore mensonger, car, à l’heure où il parlait, il savait par Salazar que Léopold acceptait et il traitait avec Bismarck les détails de l’élection. Il poursuivit : « Donc nous n’avons pas de candidat à vous présenter,