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violation de traités qui ont été acceptés par nous. (Très bien ! très bien !) Jamais on ne violera les traités qui font le droit commun de l’Europe, sans que nous nous levions tous comme un seul homme pour dire : L’intérêt moral et matériel de la France, son honneur sont engagés dans ces traités et vous n’y toucherez pas. » (Très bien ! très bien !)

Kératry fut encore plus menaçant : « Comment le gouvernement pourra-t-il faire admettre au pays et à l’étranger que nous devons rester indifférens devant le couronnement annoncé de cette ligne ferrée qui, s’appuyant sur des forteresses, court le long du Rhin, et doit aboutir un jour à Airolo, aux sources du Tessin, en pays italien ! Combinaison qui dans une nuit peut permettre aux troupes prussiennes d’aller jusqu’à Venise et de se dresser maîtresses de la situation vis-à-vis de la France enserrée entre le Rhin et les Alpes. Le Saint-Gothard, c’est le chemin prémédité par la Prusse. Cette convention a pour résultat immédiat d’altérer gravement le traité de Prague, et nous sommes les gardiens de ce traité, que notre devoir est de maintenir intact sous peine de déchéance. L’Allemagne du Sud apparaît désormais à la merci de M. de Bismarck, grâce à ce nouveau tronçon de chemin de fer, car vous n’avez pas oublié que le grand-duché de Bade, qui ne cache pas ses aspirations, fait déjà partie du Nord allemand, puisque la Prusse envoie ses officiers commander l’armée de ce pays, qui se recrute elle-même de Prussiens. » Emmanuel Arago déclara n’avoir rien à ajouter aux paroles très bien placées de son ami Kératry.

Jules Ferry exagéra encore : « Le droit de la France est partout où elle a un intérêt (Réclamations) et si vous ne voulez voir dans le traité du 15 octobre 1869 qu’une question de chemins de fer, si les discours du Reichstag dont on vous a lu les extraits tout à l’heure ne vous ont pas ouvert les yeux, c’est que vous êtes toujours la même majorité qui a laissé faire Sadowa. (Des cris : « A l’ordre ! » se font entendre.) Vous voulez qu’on me rappelle à l’ordre, et moi je vous rappelle au patriotisme. » (Nouveaux cris : « A l’ordre ! à l’ordre ! ») — Le président Schneider, obligé d’intervenir, rappelle l’orateur à l’ordre, et l’explication qu’il donne augmente le tumulte, au milieu duquel La Tour s’écrie : « Toute l’opposition était pour la Prusse et pour l’Italie. » La Droite appuie : « C’est vrai ! » Le président invite Ferry au calme. Celui-ci reprend en accusant le ministère