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débris qui attestaient ses goûts, son luxe barbare, — ses colliers, ses boucles d’oreilles, ses masques funéraires, — tout cela a été emporté, tout cela dort sous les vitrines du musée d’Athènes !... Alors, à quoi bon s’essouffler à gravir de mauvais sentiers ?... Épargnons-nous des frais de mulets et d’agoyates !


Le coup de grâce me fut donné par Tyrinthe.

Et pourtant, j’avais repris courage à Nauplie, petit port aux maisons claires et blanches, aux rues pavées de larges dalles, à la physionomie tout italienne (ce qui est un éloge pour une ville grecque, car, en général, les bourgades modernes de l’Hellade sont dénuées de tout caractère). La plaine environnante, un peu marécageuse, est couverte de cultures maraîchères, de vignes, de champs de blé. Les rideaux de peupliers, les roseaux à panaches, les arbres fruitiers, disséminés dans la campagne, lui forment une ceinture verdoyante qui contraste nettement avec la nudité sèche des montagnes prochaines et du rocher d’Argos dressé à l’autre extrémité, — haute muraille de cuivre rouge sous sa couronne de créneaux byzantins.

Par une jolie route, bordée de métairies et de villas, j’allai donc allègrement à la recherche de Tyrinthe. Je faillis passer sans lavoir. A ma droite, une énorme butte ellipsoïdale couvrait un espace considérable... Quoi ! C’était pour ce las de pierres que je m’étais dérangé ! Je ne voulais pas y croire. Mais il fallut bien me rendre à l’évidence : j’étais à Tyrinthe !...

Alors, pour me préparer aux émotions de la découverte, je m’installai en face, sous la tonnelle d’une auberge, et, devant un verre de mastic, je feuilletai fiévreusement mon guide. J appris que j’allais voir « le plus ancien exemplaire du style cyclopéen, » deux « châteaux » contigus, — le supérieur et l’inférieur, — un palais ou mégaron, avec une aidé, un aulé domestique, un gynécée, un appartement des hommes, toute une série de chambres... Et déjà je me figurais une éclatante résurrection des siècles homériques !

Hélas ! les guides, comme les archéologues, se moquent du monde ! Quand j’arrivai sur les lieux, je me trouvai en présence de gros blocs de pierre superposés (voilà pour les remparts !) et d’une aire de grange hérissée de cailloux et de broussailles, où se dessinaient vaguement des traces de fondations (voilà pour les deux châteaux, le mégaron, les chambres des reines !...). A