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comme les paysans du Piémont. Ces gens de la plaine étaient une race solide et bien en chair, qui n’échappa à la mollesse des mœurs agricoles, qu’en s’aguerrissant contre les montagnards du voisinage. Bien plus que les palestres du Platanistas, le Taygète fut la véritable école de guerre pour les jeunes Lacédémoniens.

Pour nous, qui ne lui demandons pas de tels enseignemens, le Taygète reste une des plus admirables montagnes du monde. Il n’est pas très haut, mais il produit un singulier effet de puissance et de beauté, — une puissance ramassée et merveilleusement ordonnée, une beauté sévère, légèrement farouche, et nullement monotone. Je l’ai traversé tout entier, de Trypi à Kalamata. Les contrastes y sont continuels : des sentiers agrestes, bordés de noisetiers, de mûriers, de châtaigniers et de platanes, puis des pentes arides et ferrugineuses, où, çà et là, des plus accrochent péniblement leurs racines, — des combes arrosées de ruisselets, pullulantes de verdures et d’essences du Nord, puis des gorges dénudées, sans un arbre, sans un brin d’herbe, de longs corridors de marbre, avec des chemins taillés en échelles et si glissans que les mulets eux-mêmes y gauchissent, des précipices miroitans comme des puits d’albâtre, des cascades qui bouillonnent, des trous d’eau stagnante qui luisent comme des lentilles d’émeraude dans des bassins de marbre blanc, — des culs-de-sac et des ravins où s’emprisonne une chaleur étouffante, puis des cols, des brèches, des plates-formes, où circulent de grands courans d’air frais, des brises salines venues de la mer...

Quand on le voit de Sparte et de la vallée de l’Eurotas, tous ces aspects se fondent en une harmonieuse et solide unité. Par-dessus les plaines, la masse du Taygète, avec ses feuillages, ses torrens et ses cascades, apparaît comme une colossale fontaine d’eaux jaillissantes.

Les monumens de l’ancienne Sparte n’étaient pas très nombreux, ni bien magnifiques. Aussi les fouilles, entreprises sur son territoire par l’École archéologique américaine, n’ont-elles ramené au jour que d’insignifians débris. Néanmoins, je considérai comme un devoir de rendre visite au peu qui subsiste de ces ruines. Je n’avais d’ailleurs aucune illusion.

Sous un soleil implacable, je saluai donc l’hypothétique