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I. — LA MÉDECINE

Ce ne sont pas seulement les médecins et les professeurs qu’on vilipende : c’est encore, et avant tout, la médecine elle-même.

Et vraiment, il n’est pas difficile d’établir qu’il règne encore dans les choses médicales une douloureuse incertitude. Ni le diagnostic, ni le traitement, ni la prophylaxie des maladies n’ont atteint cette période de stabilité scientifique qui assure l’absolue confiance, de sorte que tout n’est peut-être pas faux dans ces véhémentes critiques qui tombent dru sur l’art médical.

Mais, avant de réfuter ces critiques, il convient de les exposer impartialement. Les voici.

« Malgré les innombrables publications dont les médecins encombrent les journaux, l’impuissance de la médecine est éclatante. Le cancer fait autant de victimes que par le passé. Les fièvres infectieuses, quand elles sont malignes, sont tout aussi offensives qu’autrefois. La tuberculose, si terriblement meurtrière, ne peut jamais être arrêtée dans son cours. Les maladies du cœur, du foie, de l’estomac, quand on les a tant bien que mal diagnostiquées, ce qui n’est pas le cas le plus fréquent, poursuivent leur évolution sans que la médecine puisse apporter autre chose que de passagers adoucissemens. Les enfans, dans la première année de leur vie, meurent par milliers. Et quant aux affections nerveuses, si l’on a fait quelques réels progrès pour le diagnostic, on n’en a fait aucun pour le traitement. On ne guérit pas plus aujourd’hui qu’autrefois la folie, l’épilepsie, la scarlatine, la méningite. Même pour les maladies qui doivent guérir, le rôle du médecin est à peu près nul. Un rhume de cerveau, dûment soigné par un habile thérapeute, et un rhume de cerveau, traité par le mépris, évoluent de la même manière. Bref, les maladies qui doivent guérir guérissent ; celles qui doivent se mal terminer se terminent mal ; et la thérapeutique ne fait rien ni aux unes, ni aux autres, si savante qu’elle se prétende.

« Bien plus, dans nombre de cas, l’opinion des médecins diffère à ce point qu’ils n’aboutissent jamais à deux conclusions semblables, soit pour le diagnostic, soit pour le traitement. En certaines maladies, la liste des médicamens employés ressemble fort à un traité de chimie, et toutes les substances de la pharmacopée sont tour à tour mises en usage. Or cette richesse